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des articles insérés dans la note que ses négociateurs avaient laissée entre les mains du pape, soit qu’à ses yeux cette ébauche de traité fût entachée de nullité par l’état d’esprit où était tombé le malheureux pontife après l’avoir acceptée, soit plutôt, croyons-nous, qu’il redoutât, si elle était produite, de provoquer l’éclat terrible auquel Pie VII avait menacé M. de Chabrol de recourir, si l’on osait en faire usage après qu’il l’avait aussi formellement démentie. Quoi qu’il en fût, l’incertitude, la confusion et le trouble régnaient, on le voit, dans les conseils du prince aussi bien que dans l’esprit des futurs membres du concile à la veille du jour où la France moderne allait avoir le spectacle inattendu d’une solennelle assemblée d’évêques délibérant, comme aux siècles passés, sur les plus graves affaires de l’église. Depuis le concile de Trente, rien de semblable ne s’était vu en Europe ; mais à coup sûr ce n’était point là ce qui déplaisait à l’empereur, toujours amoureux de la pompe, toujours avide de frapper l’imagination des peuples en se montrant à eux dans quelque attitude extraordinaire et grandiose. Il avait comme épuisé maintenant le rôle de Charlemagne, l’empereur du moyen âge, à la fois conquérant et législateur. C’était là un personnage bien moderne. Il lui restait à reproduire les anciens types des Constantin et des Constance, de ces césars romains, pontifes autant que princes, qui pendant la transition laborieuse du paganisme à la religion chrétienne avaient présidé des conciles et décrété des symboles de foi. Cela du moins valait la peine d’être tenté, car depuis cette époque jamais ambition humaine n’avait visé si haut. À tenir compte de la différence des temps, l’empereur pouvait-il en réalité se flatter d’être convenablement préparé pour la mission qu’il se décernait à lui-même ? Sans parler des connaissances spéciales qui lui faisaient défaut, cet homme d’un génie prodigieux et si capable de pénétrer à fond toutes les questions qu’il lui plaisait d’étudier possédait-il au moins la modération et le calme qui pouvaient en faire de nos jours l’inspirateur d’une réunion de prélats ? Il est permis d’en douter quand on songe aux actes, aux écrits et aux paroles par lesquels il préludait alors à l’accomplissement de son prochain sacerdoce.

L’effet terrible naguère produit par la violence de ses procédés à l’égard du saint-père ne semblait pas avoir frappé bien vivement l’esprit de Napoléon, Il demeurait encore persuadé, même après cette triste expérience, que les reproches menaçans, les rigueurs impitoyables et les sarcasmes outrageans étaient, somme toute, les meilleures armes à employer pour se rendre maître du clergé. Aux premiers jours du printemps de 1811, l’empereur parcourait les départemens de la Normandie avec Marie-Louise, à peine rétablie