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iront donc s’écartant de plus en plus, s’adaptant de mieux en mieux aux conditions d’existence individuelles. L’élection sexuelle différenciera les sexes, et par la supériorité des pères assoira et perfectionnera les caractères des fils. Ce travail sera lent ; des milliers de générations seront nécessaires pour caractériser les simples variétés, les races. Dans certaines séries, les changemens s’arrêteront à ce point, les modifications réalisées suffiront pour établir l’harmonie nécessaire entre les représentans de ces variétés ou de ces races et le milieu où elles vivent. D’autres séries pousseront plus loin leurs transformations, toujours pour atteindre le même but, pour adapter les organismes aux conditions d’existences ambiantes, et, à force de s’écarter du point de départ, elles s’isoleront à l’état d’espèces distinctes. Telle est, selon Darwin, la marche ordinaire des choses ; mais, si par exception une espèce, une variété, se trouvent dès leur apparition en harmonie avec le milieu qui les entoure, elles ne changent pas ou ne changent que très peu aussi longtemps que ce milieu reste le même. Darwin rend sensible ce mouvement de transformation et la succession des variétés (races) aboutissant à des espèces par une figure très simple composée de lignes qui s’élèvent en divergeant, et se ramifient à partir du point de départ représentant l’espèce primitive. Une de ces lignes s’élevant verticalement et sans ramifications figure les espèces qui n’ont pas varié parce qu’elles se sont trouvées d’emblée adaptées à leurs conditions d’existence.

Les descendans d’une espèce variable emportent toujours et nécessairement l’empreinte du type spécifique premier. Lorsqu’ils en sont arrivés à former un nombre quelconque d’espèces distinctes, ce cachet qui leur est commun établit entre elles d’évidentes affinités. Elles formeront donc un genre très naturel. Or chacune d’elles à son tour peut reproduire des phénomènes analogues et donner naissance par voie de descendance modifiée à de nouveaux groupes d’espèces formant de même autant de genres. Il est évident que ceux-ci, tout en élargissant leurs rapports, n’en conserveront pas moins de nombreux traits communs. De l’ensemble résultera donc une famille. Les espèces et les genres composant celle-ci reproduiront ce qui s’est passé ; la famille grandira et en enfantera de nouvelles. Un ordre sera constitué. Nous arriverions ainsi à la classe, à l’embranchement, au règne lui-même. Alors pourquoi s’arrêter ? En présence des rapports étroits et nombreux que montrent les derniers représentans du règne animal et du règne végétal, en présence des êtres ambigus que la science n’a su encore placer avec certitude ni dans l’un ni dans l’autre, comment séparer d’une manière radicale les deux grandes divisions de l’empire organique ? Aussi, quoique paraissant hésiter à admettre la conclusion dernière