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tion des appareils organiques, le perfectionnement insensible, mais progressif, qui résulte de cet ensemble de causes, pourraient se déduire des lois de la sélection naturelle ?

Il y a plus. Dans tout organe composé de plusieurs élémens, les relations anatomiques entre ceux-ci sont à peu près invariables. Geoffroy Saint-Hilaire, qui le premier a formulé ce principe des connexions, disait avec raison « qu’un os disparaît plutôt que de changer de place. » Il partait des animaux supérieurs, et descendait l’échelle. Procédant en sens inverse, nous dirons : L’intercalation d’un élément nouveau peut seule rompre les rapports des élémens préexistans. De la palette natatoire des tortues marines à l’aile des oiseaux et au bras de l’homme lui-même, cette loi se vérifie aisément ; pourtant les fonctions à accomplir sont aussi différentes que possible, et la forme des élémens osseux varie considérablement. Ici encore les lois d’hérédité et de caractérisation permanente posées par Darwin expliquent logiquement les modifications subies par les élémens de ces membres. La première accumule les petites différences et produit la divergence, la seconde maintient le plan général. L’esprit, en se figurant la succession des phénomènes, ne voit aucune raison qui puisse amener le déplacement d’un seul os, d’un seul élément organique, quelque raccourcissement, quelque élongation, quelque transformation morphologique qu’il ait subie.

De l’ensemble des règnes organiques, nous arrivons ainsi avec Darwin à l’espèce et à ses représentans adultes. Le savant anglais nous conduit plus loin encore, et rattache à sa doctrine le développement individuel lui-même. Adoptant à la fois les idées de Serres et celles d’Agassiz, il voit dans l’ensemble des phénomènes embryogéniques la représentation de la genèse des êtres. L’embryon est pour lui l’animal lui-même, moins modifié qu’il ne le sera plus tard, et reproduisant dans son évolution personnelle les phases qu’a présentées l’espèce dans sa formation graduelle. Il rend compte par là de la ressemblance extrême, de l’identité apparente si souvent constatée aux premiers temps de leur existence entre les animaux qui seront plus tard les plus différens, tels que les mammifères, les oiseaux, les lézards, les serpens. L’identité de leur structure embryonnaire atteste à ses yeux leur communauté d’origine. À cette époque de leur vie, ils reproduisent les traits de quelque ancêtre commun d’où ils descendent tous. Les phases successives qu’ils ont à traverser pour atteindre à leurs formes définitives ne sont qu’une manifestation de la loi d’hérédité à terme fixe faisant reparaître chez l’individu, dans l’ordre où ils ont apparu, les caractères successivement acquis par les variétés et les espèces qui ont précédé les types actuels. La même loi rend compte des différences qui distinguent les jeunes des adultes. Enfin le « déve-