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excédant. L’assemblée constituante avait fixé en 1791 le chiffre de la contribution foncière à 240 millions répartis entre les départemens au prorata des impôts payés par les provinces avant 1789 sans tenir compte de l’inégalité des charges. Il en résultait que certains départemens payaient deux fois plus que d’autres relativement à leurs ressources. Plusieurs dégrèvemens partiels avaient déjà eu lieu. Le baron Louis en avait promis un de plus dès que l’état du trésor le permettrait; M. Roy proposa de le porter à 28 millions, dont 20 millions sur le principal au profit des départemens les plus chargés, et 8 millions sur les centimes additionnels à répartir entre tous les départemens. C’est une des opérations qui font le plus d’honneur à l’administration financière de la restauration. Au lendemain d’une crise terrible, quand il restait encore à liquider des engagemens onéreux contractés sous le poids d’une nécessité inexorable, le gouvernement ne se croyait pas en droit de disposer du surcroît des recettes publiques et le restituait aux contribuables. Il fut récompensé de cet acte de justice; le budget qui suivit la réduction se régla encore en excédant.

Le succès de l’extrême droite aux élections de 1821 porta M. de Villèle au ministère des finances. M. Cal mon termine ce volume en racontant les deux premières années de l’administration de cet homme d’état. Il rend pleinement hommage à l’aptitude financière de M. de Villèle, « que bien peu de ministres, dit-il, ont égalée. » L’événement le plus important de ces deux années fut la guerre d’Espagne. M. de Villèle ne la voulait pas; après avoir longtemps résisté, seul de son avis dans le cabinet, il céda. Les fonds publics baissèrent. Il fallut demander 100 millions de crédits extraordinaires et avoir encore une fois recours à l’emprunt. Les meilleures raisons contre la guerre furent données à la tribune des deux chambres. Pour imposer silence aux opposans, la chambre des députés voulut faire acte de force ; elle expulsa Manuel. Ces violences ne portèrent point bonheur au gouvernement, et les ressentimens qu’elles excitèrent firent plus de mal à la restauration que le succès de la guerre d’Espagne ne lui fit de bien. Au point de vue financier, la guerre eut ce résultat fâcheux, qu’elle interrompit le système si heureusement inauguré de restituer aux contribuables, par des dégrèvemens d’impôts, l’excédant des recettes sur les dépenses. La résistance de M. de Villèle était donc fondée; mais, une fois son parti pris, il dirigea les opérations financières avec habileté. On doit surtout le louer d’avoir fait rendre les deux ordonnances du 22 septembre et du 10 décembre 1823, qui sont encore en vigueur, et qui ont porté un ordre admirable dans la comptabilité publique.

A la fin de 1823, le régime constitutionnel durait depuis huit ans, et dans cet intervalle de temps on avait obtenu les plus grands résultats financiers. Pour payer les dettes laissées par l’empire et les contributions de guerre imposées par les alliés, il avait fallu emprunter 1,500 mil-