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LES LIVRES DE SCIENCE ILLUSTRÉE.

I. La Terre, description des phénomènes de la vie du globe, par M. Elisée Reclus, t. II : L’Océan, l’Atmosphère, la Vie ; Hachette. — II. Histoire des Météores, par J. Rambosson ; Didot. — III. Voyage au fond de la mer, par H. de La Blaachère ; Furne et Jouvet. — IV. Maison rustique des enfans, par Mme Millet-Robinet ; Librairie agricole. — V. La Vie des animaux illustrée, par A. Brehm ; Baillière et fils.


L’importance des ouvrages qui ont pour but de rendre les conquêtes de la science accessibles à la foule est beaucoup plus grande qu’on n’est généralement porté à l’admettre. Elle n’est point tout entière dans la diffusion des connaissances utiles, dans l’influence, sans doute considérable, que ces livres exercent sur le niveau général de l’instruction ; on ne saurait méconnaître que ces sortes de publications contribuent au progrès de la science elle-même. Un fait qui nous frappe dans l’histoire de toutes les sciences, c’est que beaucoup de découvertes de l’ordre le plus élevé deviennent seulement fécondes au bout d’un temps plus ou moins long, lorsqu’elles sont, pour ainsi dire, tombées dans le domaine public et qu’elles ont passé par toutes les mains. Voilà pourquoi l’humanité marche si lentement. Une vérité capitale peut rester pendant cinquante ans à la fois découverte et cachée ; c’est comme si on n’osait y toucher. Enfin, quand tout le monde l’a répétée et redite, quelqu’un la comprend, l’approfondit, et s’enhardit jusqu’à faire un pas en avant. Les lois merveilleuses qui régissent l’univers s’enseignent aujourd’hui dans les écoles, et il nous semble toujours, à la manière dont elles nous sont présentées, que la découverte en soit due à des traits de génie isolés. Ce n’est cependant que très lentement qu’elles ont pris racine dans la science ; elles ne frappèrent point les esprits lorsqu’elles furent énoncées pour la première fois, et ce n’est presque jamais celui dont elles portent le nom qui les a devinées le premier. La loi de l’attraction universelle, qui a été démontrée par Newton, plusieurs auteurs l’avaient indiquée avant lui d’une manière plus ou moins explicite. L’histoire du magnétisme et de l’électricité nous offre une foule de faits du même genre. Cela nous explique aussi pourquoi l’honneur de la même découverte est si souvent réclamé par plusieurs personnes, et pourquoi il est si difficile de décider entre les prétentions rivales. Les idées ont bien moins d’individualité qu’on ne croit : elles sont dans l’air, elles essaient de naître ; mais elles ne naissent pas viables avant l’heure : une découverte n’est faite que lorsqu’elle est mûre.

Tout cela montre combien il est nécessaire de répandre les vérités acquises ; plus elles seront connues, et moins le progrès se fera attendre ; toute une génération aura collaboré à la découverte dont elles deviendront