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de tout contre-poids d’instruction solide. Mme de Maintenon fit donc des réformes et même des coups d’état avec lettres de cachet. À plus forte raison, quand des symptômes de spontanéité religieuse se montrèrent, bien qu’elle eût elle-même un instant glissé vers le quiétisme, elle les réprima avec une incroyable dureté. Bientôt la discipline fut entière maîtresse, et l’institution de Saint-Cyr se ferma à toutes les influences étrangères, à tous les bruits du dehors. Mme de Maintenon y vint passer ses dernières années. Tant qu’elle vécut, son esprit judicieux lutta contre la pente sur laquelle Saint-Cyr avait été engagé par elle-même : on la voit gronder les religieuses, qui, par excès de scrupule, veulent rayer le mariage de la liste des sacremens ; aux interdictions à perpétuité de tout livre nouveau, elle répond que cependant il se pourrait faire que l’avenir apportât encore quelques bons ouvrages. Elle morte, Saint-Cyr demeure comme pétrifié. On copie et recopie tous les écrits de la grande fondatrice. Ses Conversations et ses Proverbes dialogués sont réputés contenir toute la science du monde. Or ces écrits offrent assurément des remarques ingénieuses, d’excellens préceptes ; mais ils ont le grand tort de confondre dans la conduite de la vie les lois transitoires des convenances avec ce qu’il y a d’éternel dans les lois morales. Suivez dans leurs destinées hors de la maison royale les demoiselles de Saint-Cyr. La plupart deviennent religieuses, mais non dans les ordres sévères ou hospitaliers ; elles n’entrent pas dans la grande voie ouverte par saint Vincent de Paul, elles n’abordent pas les austérités du Carmel. Presque toutes se vouent, dans les couvens de règle mitigée, à l’éducation, sans rien changer des méthodes ni de l’esprit qui les ont formées. Bientôt leur uniforme perfection d’emprunt, dont on ne sait plus que faire, devient gênante : Louis XVI en est réduit à fonder pour elles une maison de chanoinesses.

Horace Walpole raconte que, lorsqu’il visita Saint-Cyr vers 1756, on lui montra dans l’église, au milieu du chœur, le tombeau de Mme de Maintenon, dans les salles plus de vingt de ses portraits. Les jeunes filles récitèrent les chœurs d’Esther et d’Athalie, puis les Proverbes et Conversations de Mme de Maintenon. Aux archives, on lui montra les volumes des lettres de Mme de Maintenon, et une religieuse lui présenta même trois pensées autographes. Rien n’était changé dans la maison royale, pas un livre nouveau ; on y faisait des ouvrages à l’aiguille sur les patrons démodés du XVIIe siècle, on n’y chantait que la musique de Lulli, on y dansait le passe-pied et la forlane en habit troussé, comme au temps de Louis XIV. — Trente-cinq ans plus tard, le chevalier de Boufflers n’en croyait pas non plus ses yeux. « Jamais chose n’a été plus semblable à