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timent au son de la cornemuse : quels jolis singes bien éduqués! Mais une main jette des noix sur le sol; aussitôt la ronde est rompue, les danseurs oublient la mesure et se précipitent sur leur mets favori, tant il est vrai que l’éducation ne saurait déraciner les penchans innés. Plus loin, des marins hollandais vont harponner une énorme baleine; cela montre qu’adresse et sagesse viennent à bout des plus grandes choses. Voulez-vous placer votre argent dans des entreprises nouvelles, imitez ce renard qui, avec une finesse merveilleuse, examine si la glace d’une rivière récemment prise est assez forte pour le porter, tandis que là-bas un homme risque de se noyer pour s’être aventuré sur l’inconnu. Voulez-vous corriger quelques-uns de vos défauts, pensez à l’emblème de la mouchette qui éteint la chandelle pour avoir tranché la mèche trop bas. Voici l’Amour dans une cave qui s’amuse à percer des tonneaux, symbole de la chaleur du vin qui fermente à l’étroit. Ces tonneaux éclatent et laissent échapper leur contenu : crudimini, princes trop sévères, rois tyranniques ; c’est ainsi que feront les peuples que vous comprimez trop. Un peu plus loin, l’Amour désarmé, immobile, est assis, tout somnolent, au-dessous de deux flambeaux éteints qu’on cherche en vain à rallumer en les rapprochant : symbole d’un mariage sans inclination, d’un mariage imposé par l’arbitraire des parens ou des maîtres, et c’est un genre de contrainte que notre moraliste abhorre :

Het vryen is een vrye saeck,
Of anders is’et sonder smaec.

Car il faut aimer librement,
L’amour est sans charme autrement.

Le petit poisson que nous voyons ailleurs a tort de quitter le fond de la mer pour se gaudir orgueilleusement à la surface des eaux : voici la mouette qui fond sur lui. Pourquoi aussi, chétif comme il est, veut-il imiter les cétacés? N’oublions pas non plus ce cavalier accoudé mélancoliquement sur une table d’auberge, il est seul, et l’Amour, qui sert en cet endroit de garçon, lui apporte des pipes. Hélas! ses beaux rêves, quelque temps savourés, s’en vont en fumée! Nous pourrions prolonger bien longtemps encore ces extraits de la sagesse emblématique du père Cats. Accordons encore pourtant une place d’honneur à l’un des plus finement conçus de ces emblèmes. Sous un riche pavillon, une jeune dame élégamment parée, portant les cheveux relevés autour de la tête, la collerette et les manches pendantes de la maréchale d’Ancre, est occupée à peler de belles poires que lui tend une fort jolie camériste. Or la jeune dame, qui penche la tête sur la poire dont elle