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due. Aussi quel vide difficile, sinon impossible à combler, ne laisse pas le départ d’un fils! Les bras manquent généralement dans les fermes du pays, qui ne reçoit point comme d’autres un supplément d’ouvriers étrangers; puis les habitudes, les goûts, les calculs, se trouvent cruellement troublés par rapport aux mariages, qu’on aime à contracter de bonne heure, un laboureur ayant tout intérêt à pouvoir être assisté le plus tôt possible par ses enfans.

Ces coutumes héréditaires, cette constitution de la famille, profitent à la régularité de la vie. Les scandales sont, pour ainsi dire, inconnus dans ces campagnes, et pourtant on y admet dans les rapports habituels une facilité, une familiarité même dont s’alarmeraient des mœurs moins régulières. Ainsi, quand la jeune fille arrive à l’âge de se marier, on la voit s’entretenir seule aux champs, le dimanche dans l’après-midi, avec le fiancé choisi par elle et agréé par la famille. Ces assiduités hebdomadaires durent quelquefois de longs mois, même plusieurs années. Une fille serait au désespoir, si elles lui faisaient défaut. L’usage qui les tolère sans le moindre embarras et sans le moindre soupçon a pour double égide un sentiment de mutuel respect et la morale apprise dans le catéchisme et dans le décalogue.

Les enfans reçoivent pour la plupart l’instruction primaire, dont les avantages sont de plus en plus appréciés. Lorsqu’on accuse certaines négligences individuelles dans la fréquentation des écoles, on ne tient pas toujours suffisamment compte des obstacles à vaincre. Avec la topographie communale actuelle, si mal établie, résultant des hasards et des luttes d’un autre temps, — et dont il il serait si nécessaire d’entreprendre la reconstitution complète, — il n’est pas rare que l’école soit très éloignée de la demeure des parens. Souvent les petits garçons et les petites filles qui s’y rendent ont une lieue et même davantage à parcourir le matin et le soir avec l’obligation d’emporter leur dîner. Encore faut-il savoir que ces longues pérégrinations s’accomplissent durant l’hiver pour le plus grand nombre, alors que les travaux champêtres sont devenus moins urgens, difficulté sérieuse qui se rencontre également dans presque toutes les communes sur les deux rives de la Basse-Loire.

Une distinction doit être faite au contraire relativement à l’installation intérieure des ménages. On est moins satisfait de l’état des choses sous ce rapport dans les environs de Guérande ou d’Herbignac que dans le pays de Retz. Ici la propreté est générale; les écuries et les étables sont séparées du logis de la famille le plus souvent par l’aire ou par la cour. Là-bas au contraire, des exemples fréquens rappellent certains usages de la Basse-Bretagne, où des cloisons à claire-voie existent à peine entre les étables et la