Est-ce possible ? Ah ! que vous devez être malheureuse, ma chère amie…
Pas du tout. Que vous êtes enfant ! (Avec un ton persuasif.) C’est dans mon tempérament. Je suis faite comme cela ; j’ai l’esprit extrêmement sérieux.
Moi aussi, quelquefois, j’ai des momens de… oh ! oui… Je n’avouerais pas cela à tout le monde au moins !… Quelquefois je…
Dieu ! que vous êtes gentille et que je vous aime ! Si je vous disais que depuis mon enfance je cherche une amie… Mais je ne veux point vous interrompre.
Eh bien ! quelquefois il me vient des idées si tristes, si tristes, que je sens mes yeux pleins de larmes.
Pauvre mignonne !
Et puis, quand je veux me rendre compte pour tâcher de me consoler, impossible de me rappeler la cause de mon chagrin. C’est peut-être une des choses les plus pénibles qu’on puisse imaginer : on cherche, on cherche, on ne trouve rien, et cependant on pleure toujours.
Justement, c’est ce qui m’arrive aussi. Est-ce étonnant, cette similitude de caractère ! Ah ! ma belle, que la vie est peu de chose quand on y pense sérieusement !
C’est bien vrai, ce que vous dites là.
Vous me croirez si vous voulez, mais je ne tiens pas plus à l’existence… Ah ! grand Dieu ! c’est ce que me disait toujours mon père avant mon mariage… J’ai tout à fait l’organisation de mon pauvre papa ; j’ai ses goûts, ses idées, tout, jusqu’à ses vilaines migraines.
Je comprends alors parfaitement que vous ayez renoncé au…
Parbleu ! La santé avant tout, n’est-ce pas ? Il y a des folles qui par coquetterie se feraient couper le bras ; moi, je ne sais pas ce que c’est que la coquetterie. C’est si bête ! On m’offrirait une couronne,… je n’exagère pas, une couronne, que je la refuserais pour éviter un mal de tête.