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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/515

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finances fonctionnent avec une régularité suffisante. La dette flottante a été allégée de 139 millions, et reste à 727 millions ; mais qu’est-ce que cette réduction nouvelle de 100 millions sur la dette flottante qui, suivant M. Magne, serait possible par un prélèvement sur la dotation de l’armée en liquidation ? Une telle opération ne serait évidemment qu’un nouvel emprunt déguisé. Sur les 183 millions du dernier emprunt affecté aux déficits de 1867, il restera, à ce qu’il semble, un peu plus de 8 millions. Le budget de 1868, tel qu’il a été fixé, présentera un boni de plus de 30 millions par suite de l’accroissement inattendu du produit des impôts indirects dans les derniers mois de l’année, surtout en décembre. C’est une bonne fortune dont M. Magne ne se refuse pas le plaisir de tirer avantage. Ici cependant s’élève l’inévitable question : il s’agirait de savoir ce que signifie au juste cet accroissement, s’il n’est pas transitoire ; il faudrait connaître les élémens divers de cette augmentation. Les accroissemens de revenus indirects peuvent tenir quelquefois à des circonstances exceptionnelles, à des combinaisons qui ne se reproduiront pas, à des opérations accumulées dans une certaine période ; ils ne sont pas toujours et indistinctement le signe d’un mouvement véritable et régulier de la richesse publique ; ils peuvent n’avoir qu’un caractère très factice. Quoi de moins sûr qu’une récolte exceptionnelle qui vient tout à coup activer les transactions ? Quoi de plus trompeur souvent que les produits de l’enregistrement ? Ce n’est donc là qu’une base incertaine sur laquelle il serait dangereux de fonder des calculs optimistes pour le budget de 1870, et le mieux serait encore de recourir à une stricte et sévère économie. M. Magne rappelle, non sans une ironie involontaire sans doute, une simple et belle parole de Turgot : « ne dépenser que son revenu, moins même que son revenu, sauf les cas de force majeure. » M. Magne pourrait porter toujours avec lui cette parole d’or au conseil ; il trouverait peut-être des récalcitrans, toutes les fois qu’on toucherait à la guerre et à la marine ; il trouverait probablement aussi des auxiliaires prêts à donner l’exemple quand il s’agirait des traitemens, car enfin cette question des traitemens et des dotations menace de devenir sérieuse, non pas certes pour les petits employés, mais pour les gros, qui figurent sous toute sorte de titres au budget. S’il n’est pas digne d’un pays comme la France de marchander le prix des services qu’on lui rend, n’est-il pas vrai aussi qu’il peut y avoir une mesure ? Et puis enfin quand M. Magne ne serait trompé dans aucun de ses calculs financiers, quand il trouverait pour réaliser des économies toutes les facilités possibles, il reste toujours les événemens, qui peuvent déranger toutes les combinaisons, pour lesquels on se tient prêt même quand ils n’arrivent pas ; il reste en un mot l’imprévu, ce terrible ennemi des budgets et des ministres des finances.

L’imprévu, c’est l’état de l’Europe qui en décide par toutes ces questions confuses, redoutables, qui s’agitent à la fois à l’occident et à l’o-