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catholique, qui, en vertu de sa constitution, quand elle s’est une fois prononcée sur des vérités d’un certain ordre, ne peut plus se rétracter. La réforme, si elle vient à s’engager imprudemment, a toujours la ressource de se réformer elle-même et d’engendrer une secte nouvelle qui répudie son passé ; mais l’église catholique, avec son infaillible unité, ne peut plus retirer une parole dogmatique dès qu’elle l’a donnée. Ce n’est donc rien pour elle que de se prêter par exemple aux constitutions anglaise et américaine, qui se contentent d’être des chartes nationales et ne prétendent pas à régenter le monde au nom de la métaphysique, car c’est tout simplement reconnaître que sur le sol des îles britanniques ou dans le continent septentrional de l’Amérique il y a tel sentiment populaire à ménager tel texte de loi à respecter, telle nécessité à subir. Le bon sens et au besoin la résignation suffisent pour s’accommoder à des prétentions ainsi limitées ; mais reconnaître les principes de 1789 avec le caractère d’obligation universelle qu’ils affectent, c’est ajouter un appendice au catéchisme et dix ou douze articles au Credo. Une fois adopté, cet appendice devra suivre le sort du principal, et tout missionnaire devra porter avec lui le code de la démocratie partout où il ira prêcher l’Évangile. En un mot, les autres nations sont restées des corps purement politiques traitant avec la religion de puissance à puissance au nom d’intérêts différens, sur la limite de domaines distincts. La révolution française, en se faisant philosophe, métaphysicienne, presque théologienne, est entrée elle-même sur le territoire spirituel. C’est une église qu’elle oppose à une église, et un catholicisme nouveau qu’elle veut ou substituer ou associer à l’ancien. Un concordat ne suffit plus, plus d’un concile serait nécessaire pour mener à fin une telle opération.

Tel est à mon sens le nœud véritable du différend qui persiste entre la société française et l’église. Notre société ne se borne pas, comme toutes ses devancières, à demander aux fidèles et à leurs pasteurs de payer leurs impôts, d’observer les lois, de prêter leur concours à l’action régulière des pouvoirs publics ; elle exige d’eux sur des points de doctrine, tels que l’origine de la souveraineté, la liberté de la pensée et l’égalité naturelle des hommes, une véritable profession de foi accompagnée d’une amende honorable pour toute adhésion qui ailleurs et autrefois a pu être donnée à des doctrines contraires. C’est cette exigence sans précédent qui suscite une résistance inaccoutumée. La difficulté s’accroît encore quand on essaie d’énumérer et de définir ces vérités mi-partie philosophiques et mi-partie politiques, ce qui est pourtant naturel avant de leur rendre un solennel et définitif hommage. Il se trouve alors quelquefois que ceux qui les exaltent le plus ne s’entendent pas exactement