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chef de l’empire, Napoléon se souciait médiocrement de venir siéger, couronne en tête, au beau milieu du parvis de Notre-Dame. Il lui convenait encore moins de s’y présenter introduit par M. de Talleyrand, flanqué à droite et à gauche de MM. Cambacérès et Regnault de Saint-Jean-d’Angely, pour y discuter autant qu’un père du concile toutes les matières théologiques qui seraient soumises à la docte assemblée, et de prendre au besoin la plume, comme l’avait fait son glorieux prédécesseur, afin de ramener dans le chemin de l’orthoxie un certain Elipand, évêque de Tolède, dont la fausse doctrine avait motivé la réunion du concile de Francfort. Si amoureux qu’il fût devenu des souvenirs du bas-empire et du moyen âge, si assuré qu’il pût être, et avec grande raison, du respect de ses sujets et du sérieux mêlé de crainte avec lequel ils étaient disposés à juger tous ses actes, l’empereur avait gardé un trop juste instinct des sentimens des générations auxquelles il appartenait pour vouloir en plein XIXe siècle hasarder une telle épreuve et risquer sa personne dans une pareille mise en scène : son plan était tout autre.

Depuis le jour où de sa main glorieuse il avait posé lui-même sur son front le diadème impérial, les rapports qu’il avait entretenus avec les chefs spirituels des divers diocèses de France avaient fait naître chez Napoléon l’idée, malheureusement trop fondée, que, moyennant un peu d’art et sans trop de frais, il en obtiendrait à peu près ce qu’il voudrait. Il faut ajouter que les conversations intimes et de plus en plus fréquentes qu’en ces derniers temps il avait eues avec les membres des deux commissions ecclésiastiques, particulièrement avec les évêques envoyés en députation près du pape à Savone, n’avaient pas peu contribué à fortifier chez lui une si déplorable conviction. Il était maintenant persuadé que, sans se produire publiquement, ce que l’époque ne comportait guère, en restant pour ainsi dire caché dans les coulisses, il pouvait diriger le concile de 1811 à Paris aussi complètement que le fondateur de la dynastie carlovingienne avait mené celui de Francfort en 794. Cette confiance, que l’événement n’a pas justifiée, les prélats qui fréquentaient les Tuileries l’avaient inconsidérément fait naître dans l’esprit de leur maître en lui répétant sans cesse et de bonne foi qu’il pouvait fermement compter sur l’attachement et la fidélité du clergé français. Il y avait à distinguer dans cette banale formule, dont n’ont jamais cessé d’user les courtisans de toutes les conditions et de tous les siècles. Pour ce qui était de la fidélité, les membres de la commission ne pouvaient s’être avancés trop loin, « car le clergé, défendu par ses principes, était incapable d’y manquer jamais. En allant jusqu’à parler en ce moment de son