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mettait les évêques en seconde ligne dans un acte qui les concernait aussi essentiellement, M. de Broglie fit sentir à quel point il était nécessaire que le concile agît, parlât, écrivît lui-même ses adresses ainsi que toutes les autres pièces officielles qui émaneraient de lui, sauf (ce qui restait à examiner) à pressentir ensuite sur le contenu l’opinion du souverain afin de ne pas exciter des orages.

L’évêque de Nantes, un peu troublé de cette apostrophe, essaya de se justifier en se rejetant sur les difficultés des circonstances, en disant qu’il ne fallait pas faire cabrer l’empereur ; mais tous les membres de la commission, justement effrayés sans doute de la situation compromettante où les avait placés l’indiscrétion de leur collègue, appuyèrent vivement l’opinion de M. de Broglie. « M. Duvoisin, confondu alors et comme atterré, demeura couvert de honte, dit la relation manuscrite à laquelle nous empruntons quelques-uns de ces détails, et fut réduit au plus complet silence. » Si nous nous en rapportons au journal de M. de Broglie, les sarcasmes même ne lui furent point épargnés. « Au reste, monseigneur, lui aurait dit le cardinal Fesch, quelque peu jaloux de son crédit à la cour, c’est à vous de présenter nos idées à l’empereur, car il a dit récemment que vous le faisiez bon catholique en lui parlant religion, tandis qu’un autre évêque le ferait protestant. » Nous ne savons si M. de Nantes trouva le compliment très gracieux. « En effet, ajouta aussitôt après l’évêque de Troyes, M. de Boulogne, afin sans doute que son collègue ne pût se tromper sur les sentimens de la commission, vous n’avez pas, monseigneur, de quoi vous vanter beaucoup[1]. » L’incident qui venait de se produire ouvrait évidemment la voie aux récriminations, car dans cette même réunion, l’évêque d’Évreux ayant fait remarquer sans beaucoup d’à-propos que c’étaient les commissions ecclésiastiques dont il faisait partie qui en 1810 et 1811 avaient les premières donné l’idée de convoquer le présent concile, M. de Broglie se hâta de lui demander Il s’il était sûr que ce fût là ce qu’il avait fait de mieux dans sa vie. — A quoi M. de Barrai, archevêque de Tours, avait répondu : Nous avons très bien fait. — Oui, vraiment, ce fut un bel ouvrage, reprit à son tour son collègue de Gand. Pour tirer d’embarras quelques évêques qui pouvaient et qui devaient sans façon se déclarer incompétens, vous avez demandé un concile national, et qu’avez-vous gagné ? Un an de répit ! Mais vous voilà retombés de nouveau plus rudement, et nous tous avec vous, dans une quantité d’embarras qui mettent en péril la cause même de l’église. — Cette fois M. de Tours ne répliqua point[2]. »

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.
  2. Ibid.