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de ses ministres prononcée pour affaires temporelles est, ipso facto, nulle et de nul effet. » A l’audition de ce paragraphe, un grand nombre de membres du concile, surtout les prélats italiens, témoignèrent une surprise indignée. Au dire de M. de Broglie, rien n’eût été plus facile que de montrer par des raisonnemens sans réplique la fausseté de cette allégation ; mais, faute de temps, les prélats opposans préférèrent s’en tenir à la voie de l’autorité, c’est-à-dire donner simplement connaissance aux pères du concile des décisions prises en sens contraire par l’église réunie en corps et présidée par son chef spirituel. Déjà l’archevêque de Ravenne donnait à lire à ses voisins le décret du concile de Trente que l’on pouvait raisonnablement opposer à l’opinion de l’évêque de Nantes ; déjà celui-ci se prenait à dire : « Oh ! si le concile de Trente parle ainsi,… » quand le cardinal Maury se leva tout à coup avec l’intention évidente de prononcer un grand discours. La réputation de cet ancien membre de l’assemblée constituante, quoique déjà un peu diminuée auprès de ses collègues, était encore considérable. On écoutait avec beaucoup de curiosité son exorde assez embarrassé et ses distinctions un peu subtiles sur la différence des temps et sur la portée qu’il convient de donner à des sentences dogmatiques susceptibles peut-être de recevoir, suivant les circonstances, des interprétations très différentes, lorsque l’évêque de Gand l’arrêta court en lui disant : « Monseigneur, vous faites un commentaire. Ne serait-il pas plus opportun que vous lisiez tout simplement le texte du décret du concile de Trente ?[1]. » Soit que le texte en question ne lui fût pas suffisamment favorable, soit plutôt que, de longue date habitué à lire sur les visages le sentiment de ceux auxquels il s’adressait, le vieux lutteur qui jadis avait bravé tant de bruyans orages afin de défendre les droits de l’église trouvât ce jour-là une insurmontable difficulté à lutter contre la muette indignation de ses pieux collègues, on le vit se rasseoir soudain pour se renfermer pendant le reste de la séance dans un silence complet. Plus courageux que son collègue de Paris, l’évêque de Nantes s’évertua encore à donner au décret émané du concile de Trente un sens que la majorité paraissait résolue à ne pas lui reconnaître. Son insuccès fut pareil. Le titulaire du siège de Citta-della-Pieve, le seul des prélats romains qui ait assisté au concile, connu d’ailleurs de l’autre côté des monts pour un théologien consommé, commença un troisième discours pour soutenir la même doctrine. Il ne put même pas l’achever, et s’interrompit tout à coup quand il entendit ses compatriotes, le cardinal Spina et l’évêque de Côme, lui crier de leur place que ses propres ouvrages

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.