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même de l’insurrection de Cadix, M. Fermin Salvochea, était élu. Le parti républicain a donc grandi singulièrement dans ces quatre mois. Il ne faudrait cependant rien exagérer : ces succès n’ont qu’une valeur relative, ils tiennent moins à la force intime du parti qu’à un état exceptionnel du pays, aux faiblesses d’un gouvernement divisé, à un embarras universel. Les républicains les plus sérieux ne se font pas trop d’illusions, ils comprennent ce que cette apparente extension a d’artificiel et de précaire, ils n’ignorent pas que ceux qui ont acclamé hier la république dans les élections acclameront aussi bien un roi demain. La république en Espagne a contre elle pour le moment une terrible chose : sans être assurée de vivre par elle-même, elle peut être le plus court chemin pour arriver à l’absolutisme à travers les agitations sanglantes d’une guerre civile qu’elle précipiterait probablement, et je me souviens de ce que me disait au mois d’octobre un des Espagnols les plus sensés, les plus judicieux. Il mesurait l’avenir de l’Espagne à un thermomètre singulier, quoique très sûr, celui de l’ordre et du désordre. « Si nous restons à une bonne température, nous pourrons choisir ce qui nous conviendra. Si le désordre chauffe la température, si le thermomètre monte, nous irons au duc de Montpensier ; s’il monte encore, nous reviendrons peut-être au prince des Asturies, et s’il monte tout à fait, qui sait si nous n’irons pas jusqu’à don Carlos ? »

Toute la question est là. La république est une expérience qui peut coûter cher et conduire loin. L’assemblée constituante espagnole a maintenant le problème devant elle, et la majorité sortie des élections, quelque bariolée qu’elle soit elle-même, ne laisse guère de doutes sur les préférences intimes du pays ; mais ici reviennent toutes les difficultés du choix d’un roi, si on refait une monarchie. Ces difficultés sont grandes, il est vrai, elles n’ont pas diminué beaucoup depuis le premier jour ; seulement sous ce rapport ces quatre mois ont produit un résultat d’une autre sorte. Ils ont un peu éclairci les situations, montré ce qui pouvait être possible et ce qui était impossible. Ainsi une des candidatures qui auraient eu le plus de chances, celle du roi dom Fernando de Portugal est passée désormais au nombre des rêves. Dom Fernando ne sera pas roi d’Espagne, on ne le croit plus du moins, parce qu’il ne le veut pas, parce que le roi son fils et le Portugal lui-même ne le veulent pas plus que lui, parce que cette candidature représente une idée qui se réalisera peut-être dans un avenir plus ou moins lointain, mais qui se heurte aujourd’hui contre toutes les incompatibilités. Que reste-t-il dès lors ? Tout compte fait, il n’y a plus que deux candidatures possibles, celle d’un prince italien et celle du duc de Montpensier ; mais en admettant même que le duc d’Aoste, puisqu’il s’agit de lui, pût accepter une couronne étrangère lorsque son frère, le prince Humbert,