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Davidovitch. Quelques heures après, il était présenté à Milosch ainsi qu’aux personnes de son entourage, ses compagnons d’armes et ses ministres ; le lendemain, il dînait à sa table. Bien de plus simple que le konak du prince des Serbes : on appelle konak (du mot serbe konakonati, habiter, passer la nuit) toute demeure un peu considérable ; mais c’est surtout aux demeures princières que ce terme est réservé. De hautes palissades entourent l’espace où s’élèvent les diverses constructions qui composent la cour du souverain ; on touche ici à l’origine des locutions dont le sens a subi tant de métamorphoses. Dans la première cour est te bâtiment principal, le palais, construit en bois, avec un étage, où se trouve du côté de la façade la grande salle hospitalière (tscherdake), une des particularités de la maison serbe. C’est là véritablement le foyer, le centre dp la vie commune. Derrière ce bâtiment s’élève une construction neuve, massive, distribuée à l’européenne et destinée au service. Dans une seconde cour sont placées la chancellerie (un simple rez-de-chaussée en bois), les écuries et la poudrière, tout cela très propre, très bien tenu, avec une double porte devant le konak et une sentinelle auprès de la poudrière. — Mais les présentations sont faites, l’heure du repas va sonner ; laissons la parole à l’hôte du prince Milosch et de la princesse Lioubitza :


« La princesse Lioubitza, qui paraît avoir une quarantaine d’années, est encore d’une beauté rare. Ses traits expriment une grande résolution, mais sans aucune dureté. Son attitude est noble et naturelle. Ses vêtemens sont encore plus simples que ceux des autres femmes de la ville ; une riche fourrure, un diamant dans ses cheveux, voilà les seules choses qui la distinguent. Tout son extérieur révèle une digne et active ménagère, sans dissimuler toutefois ni le haut rang qu’elle occupe, ni les indices d’une âme peu commune. C’est elle qui dirige tous les travaux domestiques, elle tisse, elle file, elle surveille la cuisine, elle prend aussi une grande part à l’éducation et à l’instruction de ses enfans, saisissant par ce moyen toutes les occasions de compléter la sienne propre. Elle est allée souvent à Semlin, où sa fille aînée est mariée à un négociant, et aux bains hongrois de Méhadia. C’est là qu’elle a vu les coutumes de la vie européenne sans renoncer à la simplicité de son existence antérieure.

« L’union du prince et de la princesse remonte au temps où Milosch faisait la guerre pour son frère aîné, Milan Obrenovitch. Elle lui fut une vaillante compagne en ces jours de terreur où les hommes étaient perpétuellement menacés des derniers supplices, les femmes des derniers outrages. Contrainte de changer de toit chaque jour, ayant à défendre sans cesse son honneur, c’est alors qu’elle apprit à guider un cheval et à manier des pistolets…