Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/913

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne sommes pas éloigné de le croire, ils iraient jusqu’au mépris des lois et jusqu’à la fanfaronnade du crime. Il en est de même de son enthousiasme pour la littérature grecque. Le souffle libéral du continent le toucha au front tout jeune encore, à l’âge de dix-sept ans, quand il quitta la vie paisible et saine du collège de Harrow pour les juvéniles orages de la vie d’étudiant à Cambridge, quand, indocile aux freins ordinaires, il n’eut d’autres guides spirituels que les poètes de l’antiquité. Dans le moment où nous parlons, on rencontre des adorateurs superstitieux de la poésie hellénique[1], et ils n’ont pu s’empêcher de porter cette ferveur jusqu’au paganisme le plus téméraire. Moitié Grec, moitié républicain, Byron est un tempérament de révolutionnaire qui n’a pas d’analogue dans le passé, qui en devait avoir dans l’avenir. Il était condamné à échouer ; mais il a laissé des germes destinés à fructifier, surtout dans l’aristocratique Angleterre. Voilà ce qui dans l’étude de ce poète n’est pas devenu banal ; voilà peut-être aussi les causes d’un retour de faveur pour Byron. Constater les services qu’il a rendus à l’esprit moderne dans son pays, ce serait ouvrir sur le bien et le mal qu’il a pu faire un débat contradictoire, et inutile après tout, s’il est vrai qu’en dernière analyse il ait succombé. Nous voulons seulement, à propos des nombreux travaux dont la liste est en tête de cette étude, établir qu’il y a dans le poète deux hommes, celui que le préjugé a fait longtemps prévaloir et qui est destiné à l’oubli, celui qui est resté fidèle à son instinct et à sa nature, et qui est le Byron véritable. Ce dernier vivra ; il se dégage peu à peu des travestissemens successifs dont il a eu la faiblesse de s’affubler ; de plus en plus le poète amoureux de la mode cède sa place au penseur ; il est temps de le connaître tel qu’il est, dût-il paraître plus dangereux.

Les deux premiers ouvrages, cités en commençant marquent, pour ainsi dire, la limite de la réaction qui s’attaquait à Byron depuis une vingtaine d’années. Lady Shelley, auteur des Shelley Mémorials, a voulu profiter des circonstances qui concouraient toutes pour faire de son illustre parent l’idéal de la jeunesse libre et savante des universités. Sa discrète partialité est une partie du culte qu’elle rend à une chère mémoire, et cependant elle aurait pu se souvenir des lettres où Shelley, avec une rare candeur, se reconnaît comme écrasé par la supériorité de Byron. Quant à M. Trelawney, pareil à tant d’autres convertis, il fait pénitence aux dépens de Byron, et se donne la discipline sur le dos de son ami. Après ces deux

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mai 1867, le Paganisme poétique en Angleterre, — John Keats et Algernon Charles Swinburne.