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renferma dans un morne silence. Elle perdait beaucoup de terrain, et l’avantage passait de plus en plus du côté des opposans. Cela fut démontré par l’observation que fit tout à coup l’évêque de Trêves qu’il n’y avait de remède aux maux de l’église que dans l’envoi d’une nouvelle députation au pape. M. Mannay, ancien docteur de la Sorbonne, émigré pendant la révolution en Écosse, nommé en 1802 à l’évêché de Trêves, fort aimé dans son diocèse à cause de sa douceur personnelle et de la prudence de son administration, avait toujours adhéré jusque-là aux thèses soutenues par MM. de Barral et Duvoisin. Sa proposition, déjà maintes fois produite, plut en ce moment, parce qu’elle émanait d’un prélat ami de la cour. Le cardinal Fesch, qui au fond du cœur souhaitait vivement qu’on s’arrêtât à ce parti, y avait déjà presque donné son agrément, lorsque l’évêque de Nantes, dont cela ne faisait pas l’affaire, vint se jeter à la traverse, et posa une nouvelle question ainsi conçue : « dans le cas d’une extrême nécessité, ne pourrait-on point se passer des bulles pontificales ? » En vain on lui répondit que c’étaient là de pures abstractions, parfaitement vagues et illusoires. M. Duvoisin, qui connaissait à fond les intentions du maître, alléguait avec une sorte de morgue hautaine qu’abstractions ou non il fallait bien mettre sa proposition aux voix, car jamais l’empereur ne laisserait partir la députation tant qu’il n’aurait pas obtenu un décret du concile. L’archevêque de Tours, M. de Barral, parla dans le même sens. Le cardinal Fesch, averti par l’insistance de ces deux messieurs qu’il avait fait fausse route, retira l’espèce d’acquiescement qu’il avait donné à la motion de l’archevêque de Trêves. Usant de sa prérogative de président, il déclara que la proposition de l’évêque de Nantes devait être prise en considération. La discussion en fut remise à la séance suivante.

Depuis que siégeait la commission du message, aucune congrégation générale n’avait eu lieu. Le concile était comme suspendu. Le public en était un peu surpris, et les évêques témoignaient quelque mécontentement de perdre ainsi à Paris un temps qu’ils auraient pu employer plus utilement dans leurs diocèses. M. de Broglie et les prélats qui votaient ordinairement avec lui, n’osant adresser à ce sujet des remontrances au cardinal Fesch, maintenant assez mal disposé pour eux, engagèrent l’évêque de Bayeux à s’en expliquer avec lui, et à lui faire sentir combien cette suspension du concile était en elle-même peu convenable. Le cardinal Fesch n’écouta point ses raisons. Avec une franchise qui dévoilait les projets de son neveu, il dit à l’évêque de Bayeux que le concile ne s’occuperait de rien tant qu’il n’aurait pas décidé s’il pouvait établir un nouveau mode d’institution canonique sans le