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« Il n’y aura donc que ce pauvre comité ecclésiastique de 1810 qui mourra dans l’impénitence finale ? » Ces paroles faillirent faire perdre un peu de leur sérieux aux membres de la majorité. Pour amuser le tapis et empêcher qu’on n’en vînt trop vite à une décision formelle, l’évêque de Nantes se mit à lire un long fragment de Bossuet, qui, d’après lui, démentait les allégations contenues dans le mémoire lu par M. de Broglie. Celui-ci se défendit de son mieux. Bientôt, tout le monde s’en mêlant, la discussion reprit de plus belle sur les sujets déjà surabondamment traités. Les divagations naissaient les unes des autres. L’évêque de Comacchio entama un long discours sur les droits du souverain pontife. M. Duvoisin, pour affaiblir l’effet que son argumentation produisait visiblement sur ses collègues, dit que jamais des doctrines aussi ultramontaines ne seraient reçues par des évêques gallicans. Les évêques de Troyes et d’Ivrée repartirent qu’il s’agissait non d’une thèse particulière à l’église d’Italie, mais bien d’une opinion commune à la catholicité tout entière. « Si nous ne croyons pas, disaient les opposans, de ce côté des Alpes à l’infaillibilité personnelle du saint-père, encore moins croyons-nous à la nôtre. » On était plus que jamais éloigné de s’entendre. Le cardinal Fesch, qui avait eu le temps de reprendre un peu ses esprits, fit alors observer, ce qui n’était que trop vrai, que la discussion ne marchait pas. Cela tenait, suivant lui, à ce qu’on avait perdu de vue la question d’extrême nécessité, si justement posée la veille par l’évêque de Nantes, et tout aussitôt, ne laissant point à ses contradicteurs le temps de respirer, il les somma de voter sur la question suivante : « peut-on supposer un cas métaphysique in abstracto en vertu duquel un concile national puisse, sans l’intervention du pape, adopter un mode d’institution canonique, sans tenir compte des circonstances actuelles ou autres ? » Chacun de se récrier, hormis l’évêque de Nantes. L’évêque de Tournai soutint que jamais l’église ne s’était prononcée sur des cas abstraits. Comment la commission, comment le concile pourraient-ils se décider ainsi métaphysiquement, sans tenir compte des circonstances présentes ou autres ? L’évêque de Troyes appuya cet avis, disant que ce n’était là que de la battologie et du galimatias[1].

L’archevêque de Bordeaux, les évêques de Gand et d’Ivrée pensaient de même ; mais jamais le cardinal Fesch n’en voulut démordre. Il exigea le vote formel de chacun des membres de la commission. Le cardinal Caselli, interrogé le premier par Fesch, répondit : « Si l’épiscopat était réduit à trois évêques, et qu’il n’y eût

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.