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l’incident Baudin, sur l’incident Séguier, sur les réunions publiques et les réunions privées, sur ce qui est permis ou défendu dans les élections, sur Tunis et les îles Sporades. Qu’en résulte-t-il ? Malheureusement cette série de conflits de parole ressemble à une lutte entre un gouvernement toujours prêt à prodiguer des explications qui n’engagent à rien et une opposition dont les efforts manquent de lien et de précision. En paraissant définir le terrain sur lequel tous les partis vont se retrouver face à face, on n’a rien défini réellement, et si le pays pouvait parler à son tour, il dirait peut-être qu’il n’en sait pas plus après qu’avant ; il serait capable de demander encore où en sont ses affaires, sur quoi on le provoque à se prononcer, quelle marche on se propose de suivre. Et en effet, même après toutes ces explications, dans quels termes restent la politique extérieure et la politique intérieure de la France ? Est-ce qu’on aperçoit plus distinctement dans quelle direction nous marchons ?

S’il était un point qui appelât la lumière, c’était sûrement avant tout cette question extérieure qui a depuis quelques années le fatal privilège de tenir tous les intérêts, toutes les passions en suspens. Le pays avait sans doute quelque droit à être virilement éclairé. Or sur ce point, il faut bien l’avouer, le pays serait peut-être assez embarrassé de choisir entre le gouvernement et l’opposition, attendu qu’opposition et gouvernement portent également la paix dans leur cœur, mais que personne ne s’est hasardé à toucher le vif de la question en se demandant si cette paix est sérieusement vraisemblable dans l’état actuel, et à quelles conditions elle est possible. On dirait que de part et d’autre on s’est ingénié à éluder la difficulté, si bien que, par une flatteuse exception, entre M. le ministre des affaires étrangères et M. Jules Favre il y a eu l’apparence d’un parfait accord. Nous ne voudrions point assurément gâter le bon effet de la parole sympathique de M. le ministre des affaires étrangères. Il y a eu des temps, qui ne sont pas encore bien éloignés, où M. le marquis de La Valette semblait repousser la pensée d’aller jamais comme ministre devant le corps législatif ; il se déliait peut-être un peu de lui-même. Il se trompait. Il a eu l’autre jour le succès personnel d’un homme accoutumé aux affaires et qui les traite sans morgue diplomatique, avec une élégante justesse, avec une bonne grâce parfaitement digne et une séduisante modération. Sans nous arrêter à Tunis, qui ne nous intéresse guère pour le moment, M. le marquis de La Valette a parlé de la dernière conférence relative à la Grèce avec une singulière habileté, sans rien exagérer, sans laisser rabaisser non plus l’œuvre récente de la diplomatie, européenne. Sur les affaires d’Italie, il est allé aussi loin qu’il pouvait aller sans prononcer le dernier mot ; il a laissé clairement entrevoir l’heure prochaine où le gouvernement français, placé comme arbitre entre l’Italie et le saint-siège, reviendra simplement à la convention du 15 septembre 1864 en rappelant ses troupes de Civita-Vecchia, et ce sera