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qu’elle a su que le peuple portugais, qui est d’assez mauvaise humeur en ce moment, pourrait bien lui faire un mauvais parti. M. Olozaga n’a plus eu la moindre envie d’aller à Lisbonne chercher son roi. La leçon est dure sans doute ; mais ne l’a-t-on pas méritée ? Dom Fernando avait-il jamais laissé la moindre illusion ? Est-ce qu’on ne connaissait pas la répugnance invincible de ce prince aimable, qui a le goût de la vie facile et des arts, qui est lui-même un artiste distingué ? Pouvait-on croire sérieusement que, parce que M. Olozaga avait la fantaisie de faire un souverain, le roi dom Fernando allait quitter ses beaux ombrages de Cintra ? Le coup n’a pas été moins rude, et à Madrid on s’est donné la petite satisfaction de dire qu’on n’avait rien offert. Ce qui complique étrangement la situation, c’est qu’il est un peu difficile, après ce déboire, de se remettre immédiatement à la poursuite d’un autre prince, et on reste dans cette condition qu’un républicain dépeignait l’autre jour d’un mot en disant à un membre du gouvernement : « Nous ne pouvons pas faire la république ; mais vous ne pouvez pas faire la monarchie. » Malheureusement, au milieu de ces puériles disputes, le pays se décompose de jour en jour, la guerre civile s’essaie de toutes parts, et pendant ce temps le général Serrano est obligé d’avouer devant les cortès que l’insurrection de Cuba devient menaçante. Elle risquerait de devenir d’autant plus menaçante, si les mauvais traitemens infligés, disait-on, à un vice-consul américain venaient à provoquer l’intervention des États-Unis. Et voilà où en est aujourd’hui l’Espagne après six mois de révolution. ch. de mazade.



ESSAIS ET NOTICES.

I. Seize mois autour du monde (1867-1869), par M. Jacques Siegfried, Paris, J. Hetzel. — II. Australie : Voyage autour du monde, par M. le comte de Beauvoir, Paris, H. Plon.

Si dans les temps anciens la mer séparait les mondes, elle est devenue de nos jours la grande route par laquelle se propagent le progrès et la civilisation. Pendant que la barbarie règne encore dans l’intérieur des grands continens groupés autour de l’Europe, pendant que les peuples limitrophes se disputent le sol par des guerres sans trêve, la navigation rapproche les rives, y répand les germes d’une culture qui lentement transfigure les pays et fait naître partout le sentiment d’une solidarité étroite entre les hommes de toutes les races. Il n’est plus d’île, si petite, si écartée qu’elle soit, qui ne participe au mouvement général. Les régions lointaines, l’Inde et la Chine, l’Australie et le Japon, tous ces pays qui autrefois nous apparaissaient comme au travers d’un brouillard, sont presqu’à nos portes. Les Anglais, les Allemands, les Américains, savent depuis longtemps tirer parti de ces facilités inappréciables pour l’éducation de l’homme. Au lieu d’étudier la géographie dans les livres, ils l’appren-