Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principe ; c’est encore comme quand vous inventez cet autre mot, dont je ne vois pas non plus sens, la conscience moderne, celle qui connaît le respect de la personne humaine ! Voilà la conscience supérieure à la conscience chrétienne, laquelle ne connaît donc point le respect de la personne humaine. C’est enfin comme quand vous créez le mot pensée moderne, et parlez des besoins de la pensée moderne, cette pensée aux yeux de qui tout le passé de l’esprit humain est mort, et à laquelle vous apportez, comme chose vivante, la dialectique dont nous connaissons la formule. Mais revenons à la femme chrétienne.

Je ne vois dans vos descriptions de la femme chrétienne opposée à la femme moderne qu’un phénomène facile à constater et chez les femmes et chez les hommes, chrétiens ou non, savoir : l’état passif de beaucoup d’âmes lorsqu’elles commencent à se soumettre aux lois morales ou religieuses. L’objet moral que vous apercevez est celui-ci : c’est qu’il est un très petit nombre d’êtres arrivés à la perfection, c’est-à-dire à la liberté sous la loi. L’essor des forces sous la loi, dans l’ordre intellectuel, c’est le génie ; dans l’ordre moral, c’est la sagesse ou la sainteté. Vous avez raison de vouloir pour tous les hommes et surtout d’exiger des chrétiens un plus haut degré d’énergie, de vigueur personnelle, de liberté, d’essor de toutes les forces dans le bien. Tous les chrétiens devraient, aujourd’hui surtout, méditer et pratiquer davantage ce beau mot biblique : cum sumpsisset cor ejus audaciam propter vias Domini.

Morale moderne, conscience moderne, pensée moderne, femme moderne, voilà des mots qui signifient morale chrétienne et conscience chrétienne, pensée chrétienne et femme chrétienne, ou qui n’ont aucun sens. Depuis Ran un de l’ère moderne, rien n’est intervenu en morale, sinon les négations qui sont aujourd’hui sous nos yeux, la négation de la conscience et de la liberté morale, la négation du bien et du mal, du juste et de l’injuste. C’est la seule nouveauté dont on ait entendu parler.

Enfin, monsieur, vous ne craignez pas de répéter contre l’église des assertions que nous aurions le droit de qualifier plus durement encore, s’il se pouvait, que vous ne faites ma critique de Hegel, quand vous la qualifiez (ce que personne n’a pu comprendre) de « véritable calomnie ![1] » Ne faut-il pas de notre part une fort grande patience pour répondre avec calme à des accusations comme celle qui suit ? Vous prenez l’un des grands bienfaits historiques de l’Évangile, par exemple l’émancipation de la femme. Vous retournez le

  1. Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1868, p. 307.