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en Jésus-Christ et en son église ! » celle dont le monde n’a pas parlé, celle qui n’a pas d’histoire, et qui, cachée dans les entrailles du monde régénéré, lui a donné des hommes plus beaux, plus nobles, plus généreux, plus saints, plus ardens pour le salut du monde : celle enfin que l’Ancien-Testament appelait la femme forte, et qu’il ne savait où trouver.

Aujourd’hui, cette mère d’une humanité supérieure est répandue partout, comme le sel de la terre sur la surface du monde civilisé. L’on essaie, je le vois, d’affadir ce sel pour le pouvoir fouler aux pieds; on n’y parviendra pas. C’est Jésus-Christ, Dieu incarné, qui par une sorte de création nouvelle a su donner au monde cette vierge, cette épouse et cette mère, et cette famille plus haute, fondée sur le mariage indissoluble d’un seul homme avec une seule femme, parce qu’elle est fondée sur l’amour immuable qui se donne à jamais.

Encore une fois, est-ce là la femme rabaissée par l’église dans un langage dont on rougirait aujourd’hui? Mais si ce langage, si ces paroles dont il faut rougir n’existent pas, — et elles n’existent pas, — que penser, monsieur, de votre manière d’attaquer l’église, le christianisme, la religion, la vérité? Tout votre livre de la Religion, laissez-moi vous le dire, est écrit par la méthode de l’assertion sans preuves, soumise elle-même à la formule, formule mutilée des deux temps, d’affirmation et de négation, sans troisième temps conciliateur. Votre volume est un volume sans notes, sans citations, sans preuves ou textes à l’appui. Il suffit de l’ouvrir pour le voir. C’est un tissu d’assertions nombreuses, rapides, arbitraires, presque toutes contestables, la plupart fausses, contradictoires, mais toujours sans essai de preuve ni de démonstration.

Ces jugemens, monsieur, je le sens bien, sont très francs et très vifs, mais la franchise est l’une des marques du respect que l’on doit à tout adversaire qu’on estime, et la vivacité du jugement, quand elle reste en ses justes limites, fait partie de sa franchise même. La règle de ma polémique, comme je le disais au début, est de répondre « avec modestie et respect » à ceux qui nous demandent raison de notre foi; mais, comme l’enseigne l’apôtre au même lieu, ce respect et cette modestie n’excluent point l’énergique fermeté de réponse aux jugemens injustes portés contre l’espérance des chrétiens. Il faut que l’honnête homme qui nous attaque à tort, mais qui s’est trompé de bonne foi, puisse regretter son injustice ou son erreur.


A. GRATRY.