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une fois reconnue, il en fallait choisir l’emplacement. Impossible de songer à Paimbœuf : c’eût été s’imposer de gaîté de cœur les difficultés d’une longue navigation entre les bancs de sable. Impossible également d’hésiter entre les deux rives, parce qu’à droite les profondeurs de la grande et de la petite rade sont plus rapprochées de la côte ; le fond d’ailleurs y est vaseux, tandis que les sables, dont il est si difficile de triompher, se portent vers la rive gauche. La rade en outre se trouve beaucoup mieux abritée du côté de Saint-Nazaire, grâce à la configuration des côtes voisines, dont les profondes échancrures semblent couper les flots comme d’énormes brise-lames. Toutes les considérations topographiques militaient donc en faveur de la rive droite. Peut-être cependant la ville de Paimbœuf fut-elle un peu trop sacrifiée. Il n’aurait pas été difficile de lui fournir d’un autre côté des compensations. La constance avec laquelle elle avait rempli son rôle maritime ne laissait pas de lui donner quelques droits à cette sollicitude.

Deux conditions favorables, qui sont rares sur toutes les côtes européennes, se rencontraient à l’embouchure de la Loire : on y avait une rade vaste et profonde offrant d’excellons mouillages, où l’on pouvait stationner avec sécurité pour attendre l’heure de la mer montante. Cette rade est précédée elle-même par les abris sûrs et vastes que présentent les côtes de Belle-Isle. Les passes traversant les bancs de sable sont parfaitement connues, et elles n’ont jamais été manquées, même au milieu des plus gros temps, que par des navires qui avaient voulu économiser les frais de pilotage ou qui n’allaient pas chercher les pilotes à leur poste habituel. La barre dite Barre des Charpentiers, située à 10 kilomètres au-dessous de Saint-Nazaire, peut être aisément franchie à toutes les marées par les plus grands bâtimens[1]. Sans doute, en parlant des ports situés à l’embouchure des rivières, les hommes du métier ont toujours quelques réserves à faire ; mais nulle part l’avenir ne paraît plus solidement assuré qu’ici. Depuis près de cinquante ans que des observations rigoureuses ont été recueillies, la hauteur et la position de la Barre des Charpentiers restent absolument invariables. « Les sables qui la forment, a dit un ingénieur habile, sont désormais arrivés à un état d’équilibre que rien ne semble devoir troubler. »

On a mis dix ans à construire le bassin à Ilot existant aujourd’hui, et pour lequel une loi avait accordé, en 1845, un crédit de 7 millions qui n’a guère été dépassé que d’un million, car il a coûté en tout 8,126,000 francs. Magnifiquement exécuté, le bassin embrasse une étendue d’environ 10 hectares 1/2. Les quais ont un dévelop-

  1. Elle offre, suivant la marée, de 7 mètres 70 centimètres à 9 mètres 20 centimètres d’eau.