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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/260

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1869.


C’est réellement une situation bien étrange que celle où nous vivons. Pour l’Europe telle que l’ont faite les événemens de ces dernières années, pour cette Europe affamée de liberté et de paix, tout est labeur ingrat et confusion. Les calmes sont sans durée, les jours se comptent par de périodiques alertes ou par des agitations sourdes plus énervantes cent fois qu’une crise aiguë virilement acceptée. Les questions succèdent aux questions, comme si une fatalité ironique les faisait sortir de terre, et, pour ajouter au trouble, on dirait que la parole a été donnée à tout le monde afin de mieux déguiser la vérité des choses.

On se flattait pourtant bien, il y a quelques jours à peine, d’avoir échappé encore une fois au danger par le dénoûment du démêlé gréco-turc, de s’être assuré pour le moins quelques semaines de repos et de sérénité pendant lesquelles on n’entendrait plus parler de guerre. La diplomatie avait correctement enregistré dans de très honnêtes protocoles ses bonnes volontés pacifiques, récompensées par la soumission de la Grèce, qui à la vérité aurait été fort empêchée de faire autrement, si on en juge par la pénurie de ressources militaires dont le nouveau cabinet hellénique a divulgué le secret. Dans cette heureuse conférence, on avait invoqué à propos la déclaration du congrès de 1856 recommandant d’en appeler à un arbitrage dans toutes les querelles qui pourraient surgir, et on s’était bien promis de recourir en toute occasion à cet expédient d’une médiation européenne qui venait d’éteindre une allumette en Orient. La diplomatie pouvait se reposer dans la satisfaction de son œuvre. De son côté, M. de Bismarck, un personnage de quelque importance dans les questions de paix ou de guerre, n’avait rien négligé pour faire savoir au monde qu’il n’était pas le trouble-fête qu’on soupçonnait, qu’il avait rendu à la tranquillité publique un éminent service en laissant tomber M. Bratiano au moment où l’impétueux ministre roumain se disposait à marcher trop vite. Il rejetait toutes les vaines alarmes sur les fabricans