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geurs ou des banquiers. Si j’ai 1,000 francs ou 2,000 francs à payer à Londres, puis-je envoyer un lingot? Il n’y en a point d’aussi petit. Au contraire le changeur, qui sert d’intermédiaire à plusieurs personnes, qui délivrera 200,000 francs de traites à la fois, trouvera aisément un lingot de cette somme, et conservera pour lui seul tout le bénéfice qui résulte de ce mode de paiement. Le lingot n’est donc pas la solution du problème; il ne satisfait pas mieux aux exigences de la circulation métallique internationale que des billets de banque de 5,000 et de 10,000 francs ne feraient face seuls à toutes celles de la circulation fiduciaire. Il faut quelque chose qui réponde mieux aux besoins de détail, les plus nombreux en définitive et les plus considérables. On ne peut pas non plus envoyer des lingots sur toutes les places : on en expédiera bien à Paris, Londres, New-York, Amsterdam, Hambourg; mais on ne pourrait en adresser dans des villes secondaires, il n’y aurait personne pour les recevoir. Il faut donc absolument un type monétaire qui soit accepté partout, qui partout serve à la libération des engagemens. L’unité de ce type sera choisie plus ou moins forte suivant le point de vue auquel on se placera; mais elle devra servir aux petits paiemens comme aux gros.

Un négociant considérable de Bradford et de Manchester, M. Behrends, a fait dans l’enquête anglaise une déposition qui montre les inconvéniens du change actuel. Ayant à effectuer un paiement de 97 livres sterling à Luxembourg, et ne sachant pas exactement quelle était la monnaie du pays, il avait d’abord envoyé une traite en francs, subissant un change pour cette conversion. Le banquier auquel elle était adressée refusa de la recevoir, parce que la monnaie du pays était le thaler prussien. Il fallut alors faire une seconde conversion, et le résultat fut une dépense de 45 francs. Le président de l’enquête demanda si M. Behrends aurait évité ce change exorbitant avec une monnaie internationale. — Assurément, dit-il, j’aurais délivré immédiatement en cette monnaie une traite de 2,425 francs, correspondant à 97 liv. sterl., et je n’aurais eu rien de plus à payer. — Cet exemple est saisissant, il illumine la question, et il se reproduit, sauf la différence des proportions, dans la plupart des paiemens qu’on doit faire à l’extérieur. Le change est comme un droit de péage qu’on est obligé d’acquitter pour passer d’un pays dans l’autre. Il y a même ceci de particulier, que les Anglais, qui montrent en ce moment le plus de résistance à l’adoption d’une monnaie internationale, à moins qu’on ne prenne la leur, sont le plus victimes de la différence des types monétaires. Leur livre sterling, qui vaut intrinsèquement 25 francs 20, n’est acceptée chez nous que pour 25,10, soit à l’hô-