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lutte qui s’accuse par des modifications diverses, par la fusion, la juxtaposition plus ou moins complète des traits spéciaux aux deux races. Pendant quelque temps, on constate des oscillations plus ou moins étendues, et ce n’est qu’au bout d’un nombre indéterminé de générations que la race métisse s’assied et s’uniformise ; mais, quelque constance qu’elle acquière dans son ensemble, il arrive presque toujours que quelques individus reproduisent à des degrés divers, parfois avec une surprenante exactitude, les caractères de l’un des ancêtres primitivement croisés. C’est là ce que les physiologistes français ont désigné par le mot d’atavisme, ce que les Allemands appellent d’une manière très pittoresque le coup en arrière (Rückschlag). L’atavisme se produit souvent au milieu des races les plus pures en apparence et à la suite d’un seul croisement remontant à plusieurs générations. Darwin cite an éleveur qui, après avoir croisé ses poules avec la race malaise, voulut ensuite se débarrasser de ce sang étranger. Après quarante ans d’efforts, il n’avait pu encore y réussir complètement ; toujours le sang malais reparaissait dans quelques individus de son poulailler. L’histoire de toutes nos races domestiques présenterait des faits analogues. Chez le ver à soie, l’atavisme se manifeste après plus de cent générations.

Quant à l’hybridation, elle présente, avons-nous dit, des phénomènes exceptionnels qui pourraient faire croire au premier abord qu’entre certaines espèces les choses se passent comme entre races, et qu’on peut obtenir des races hybrides. Dans quelques rares unions croisées de ce genre, on a vu la fécondité de la mère se conserver, puis persister chez les fils et chez les petits-fils, qui peuvent s’unir entre eux et donner naissance à de nouveaux produits. Plus fréquemment surtout, on a obtenu un résultat analogue en croisant les hybrides de premier lit avec des individus appartenant à l’une des espèces parentes. Ces hybrides, qui eussent été inféconds entre eux, retrouvent par ce procédé en partie ou entièrement la faculté de se reproduire, et donnent naissance à des quarterons qui possèdent trois quarts de sang de l’une des espèces et seulement un quart de sang de l’autre. Ceux-ci sont plus ou moins féconds entre eux et transmettent à leur postérité la faculté qu’ils ont retrouvée.


II.


Tels sont les faits acceptés aujourd’hui par tous les naturalistes et sur lesquels on se fonde souvent pour affirmer qu’on a obtenu des races hybrides. Ceux qui s’expriment ainsi oublient deux phé-