Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1869.

Nous avons fait du chemin depuis quelques années en Europe, nous marchons rapidement, cela est certain ; mais nous marchons dans l’obscurité, et celui qui pourrait dire où nous allons, vers quel point de l’inconnu nous nous dirigeons, celui-là aurait à un degré surprenant le don de clairvoyance ou de divination. Une chose est frappante surtout, c’est le contraste étrange, absolu, entre les apparences et les réalités, ou, si l’on veut, entre les commentaires publics, officiels, de la politique, et ce murmure de nouvelles tombant périodiquement dans la liberté des entretiens familiers. Consultez les déclarations des gouvernemens : tout est placide en Europe, c’est à qui répudiera la pensée d’un conflit funeste. Le roi Guillaume de Prusse, en ouvrant l’autre jour le parlement de la confédération de l’Allemagne du nord, ne s’est pas montré moins pacifique que ne l’était M. de La Valette lorsqu’il rappelait dans sa circulaire du 22 février, à propos de la dernière conférence, « ce que pourrait avoir de fécond l’action diplomatique des puissances quand elle s’appliquerait, suivant la proposition dont l’empereur prenait, il y a quelques années, l’initiative, à l’ensemble des questions générales… » Voilà qui est rassurant : au lieu de la guerre, c’est une mélancolique évocation du congrès mis en avant autrefois avec le succès dont on se souvient. Écoutez d’un autre côté ce qui se dit tout bas : ici la scène change. On vous fait entendre le bruit sourd des canons s’ébranlant vers les frontières. Les imaginations sont en travail, et, par un phénomène qui se reproduit tous les printemps, les bruits se multiplient avec les incidens. Cette année même, avant que le printemps soit venu, l’essaim des nouvelles inquiétantes s’est répandu sur l’Europe à la suite de toute sorte de voyages diplomatiques.

Eh quoi ! dira-t-on, ces voyages ou ces déplacemens de diplomates ne sont-ils pas la chose la plus simple du monde ? N’est-il pas naturel que