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sur la plage de Zoulla, sans conducteurs pour en prendre soin, aient éprouvé dans le principe des pertes considérables ?

Dès les premières semaines de l’occupation, pour diminuer les inconvéniens d’une agglomération d’hommes sous un climat brûlant, on avait poussé en avant quelques corps et acheminé vers les plateaux une partie du matériel. Sans compter les travailleurs qui ouvraient la route à travers lapasse de montagnes, des détachemens occupaient Kumoylé, certains points du passage et même, depuis le milieu de décembre, Sénafé, première étape sur les plateaux. Entre Annesley-Bay et Kumoylé, des postes étaient établis le long de la ligne du chemin de fer, des puits y avaient été creusés, des campemens avaient été installés sur des mamelons aérés pour les convalescens.

L’établissement de Zoulla comprenait une série de campemens s’étendant sur une vaste surface de près d’une lieue de front le long de la mer et d’une profondeur presque égale vers le fond de la plaine. C’était un mouvement incessant de troupes, d’animaux, de matériel débarquant chaque jour ou s’acheminant vers l’intérieur. Les installations les plus larges et les mieux entendues avaient été préparées pour les divers services de l’armée : les travaux des jetées étaient presque achevés, ceux du chemin de fer se poursuivaient sans relâche, et déjà cette voie nouvelle était en pleine activité pour transporter à quelques milles du rivage les approvisionnemens, épargnant ainsi l’emploi des convois de voitures ou d’animaux de bât. L’aspect de la rade n’était ni moins animé ni moins imposant que celui du camp. Plus de 150 navires de tout tonnage et de toute catégorie étaient au mouillage ; à toute heure du jour, les remorqueurs apportaient au rivage des convois de chalands chargés d’hommes, d’animaux, de matériel. C’était vraiment un spectacle féerique. Les habits rouges des soldats anglais mêlés aux costumes sévères ou étincelans et toujours si pittoresques des soldats du Pundjab ou des frontières de Perse, les animaux des types les plus divers de la création réunis là pour le service de l’homme, des coulies de toutes races, Hindous ou Chinois, s’empressant chargés de leurs pesans fardeaux, puis au milieu de ce monde oriental, encadré par les âpres teintes et la chaude lumière du désert, la locomotive, promenant sans cesse son panache de fumée, — est-il possible de rêver un plus merveilleux tableau ? Pourtant, malgré les sommes énormes qui venaient chaque jour s’engloutir à Zoulla, il était aisé de reconnaître que rien n’y manifestait une arrière-pensée de prise de possession permanente. A peine avait-on construit deux ou trois baraques en planches pour loger les directions des services les plus importans. Tout le reste