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exemple dans le cimetière de Calliste. Les autres peintures, qui sont très nombreuses, sont toutes empruntées à l’histoire et aux dogmes de la religion nouvelle. On peut dire qu’elle fait alors un premier et puissant effort pour exprimer ses croyances à sa façon. C’est ce qui est sensible surtout dans deux chambres voisines l’une de l’autre, qui ont été creusées ensemble et décorées dans le même esprit, peut-être par les mêmes artistes. Ils y ont représenté une série de scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau-Testament, qui ont ce caractère particulier d’être tout à fait symboliques et de contenir, d’une manière suivie et presque dogmatique, la doctrine la plus secrète des chrétiens. M. de Rossi essaie de retrouver le sens de tous ces symboles, soit en comparant ces deux chambres entre elles, soit en rappelant, à propos de chaque sujet, les textes des pères qui le font comprendre. Il montre que les livres sacrés y sont interprétés à la façon d’Origène et de ses disciples. Rien n’est plus remarquable que de voir avec quelle étrange liberté l’allégorie et la vérité s’y mêlent. La succession rapide ou même la confusion du sens propre et du sens figuré font voir combien tout le monde alors était accoutumé a cette exégèse subtile, et suivait facilement le docteur ou l’artiste dans ses fantaisies d’interprétation. Ce personnage qui frappe le rocher, tantôt c’est Moïse et tantôt c’est Pierre; l’eau qui s’en échappe, ce n’est pas seulement celle qui doit désaltérer les Hébreux dans le désert, c’est une source de grâce et de vie dont on voit un peu plus loin un prêtre se servir pour régénérer un jeune homme en le baptisant; c’est aussi la mer immense du monde dans laquelle le divin pêcheur d’âmes jette ses filets. D’une scène à l’autre, et souvent dans la même scène, les allégories se suivent, se détruisent, se compliquent et se remplacent. Ici le poisson représente le fidèle conquis à la foi, ailleurs c’est le Christ lui-même, qui, sur la table à trois pieds, à côté du pain mystique, s’offre comme nourriture à ses disciples. Le vaisseau d’où l’on jette Jonas à la mer porte une croix à son mât; c’est en même temps l’église, qu’un contemporain de Calliste compare à un navire battu des flots, mais jamais submergé. À ces indices et à d’autres encore que je ne puis pas énumérer, M. de Rossi croit reconnaître que Rome n’est pas demeurée aussi étrangère qu’on le suppose à ces travaux d’interprétation ingénieuse dont la savante église d’Alexandrie devint le centre, et qui se résument pour nous dans le grand nom d’Origène. Il pense qu’elle avait, elle aussi, au commencement du IIIe siècle, un vaste enseignement dogmatique et des docteurs célèbres; mais, comme ces docteurs étaient plus occupés à instruire les fidèles de leur temps qu’à composer des livres pour la postérité, leur souvenir s’est perdu. Cependant M. de Rossi