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souvent par petits groupes, quelquefois isolés, eurent un rôle capital pendant toute l’expédition. La nature du pays devait nécessairement amoindrir et presque supprimer le rôle ordinaire de leur arme dans les opérations de guerre.

Ce qu’il est difficile de ne pas admirer, ce sont les travaux de tout genre entrepris par l’armée anglaise sur une pareille distance. Les ingénieurs, les sapeurs, les corvées de travailleurs, pris dans les troupes de toutes armes, accomplirent de véritables prodiges. Les 650 kilomètres de routes devenues praticables, et en bien des points carrossables, avaient été exécutés en moins de six mois, à travers une région où n’existait, sur la plupart des points, aucune trace dévoie de communication. Des établissemens considérables avaient été créés sur divers points en vue d’une occupation nécessitée par une prolongation de la guerre. Sans parler des camps d’Antalo, d’Addigraht et de quelques autres places, où la garnison occupait des postes retranchés approvisionnés largement, le camp de Sénafé avait été transformé en trois mois en une vaste place d’armes, où l’armée entière eût trouvé l’installation la plus complète pour hiverner pendant la saison des pluies. Six mois de vivres y étaient accumulés ; des hôpitaux baraqués, des abris pour les animaux et le matériel, de l’eau en abondance, des campemens comfortables pour les troupes, assuraient au corps expéditionnaire les moyens de défier la fortune adverse qui l’eût retenu dans le pays.

C’était à Zoulla surtout, à cette base d’opérations si bien choisie et si précieuse, que les plus surprenans efforts avaient été dépensés pour transformer une plage déserte en un vaste entrepôt. Chargée de fournir à tous les besoins futurs de l’armée et devant suffire à toutes les prévisions du commandant en chef, cette place de dépôt était devenue un établissement militaire capable de servir de base à une grande armée. Le mouvement de la flotte n’avait pas cessé de l’approvisionner journellement, et les travaux du chemin de fer, pousses activement, avaient permis d’utiliser cette voie pour emporter vers l’intérieur le matériel de toute espèce. Ce ne fut que dans le courant du mois de décembre 1867 qu’on put commencer les travaux du chemin de fer, les études préliminaires ayant exigé un certain temps. Dirigée du môle de Zoulla au camp de Kumoylé, au pied des montagnes, cette voie avait atteint, dès le 19 février 1868, une longueur de 6 milles (9 kilomètres 1/2). La circulation fut établie sur-le-champ, et tandis qu’on transportait au fur et à mesure des besoins le matériel nécessaire pour la construction d’une nouvelle section de la voie ferrée, les approvisionnemens étaient transportés à un dépôt provisoire établi à la tête de la ligne ; chaque jour, 150 ou 200 tonnes de matériel étaient ainsi enlevées, ce qui