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récente, n’ont pas cette importance. A mesure qu’on avance dans le IIIe siècle et qu’on approche du règne de Constantin, les artistes n’ont plus la même aisance et la même variété. Ils reproduisent toujours les mêmes scènes et de la même façon ; les personnages prennent des attitudes raides qu’ils ne quitteront plus; on n’a plus qu’une seule manière de représenter le Christ, Lazare ou Jonas. Il semble qu’on soit déjà sur la route qui conduira plus tard à l’immobilité de l’art byzantin. N’est-ce pas une coïncidence frappante que, pour la peinture comme pour les inscriptions, vers le milieu du IIIe siècle l’art libre et spontané cède la place à la convention et à la formule? C’est justement l’époque où nous trouvons sur le trône pontifical des papes administrateurs comme Calliste, où dans la liturgie de l’église la langue grecque s’efface peu à peu devant le latin. Tous ces faits sont-ils isolés les uns des autres, ou doit-on les rattacher ensemble? Est-il téméraire d’en conclure qu’à ce moment l’esprit romain prend définitivement possession de l’église occidentale ? On sait qu’il a naturellement peu de goût pour ces allégories raffinées et ces subtilités hardies dans lesquelles se complaît le génie grec. Il aime mieux prendre les choses au sens historique et réel que de se perdre dans ces interprétations symboliques où il entre toujours tant de fantaisie. Ami de la clarté, de l’ordre, de la discipline, il cherche toujours à soumettre les volontés individuelles au sentiment général. Aussi ne hait-il pas la formule qui jette toutes les idées dans un moule uniforme, et qui lui donne le spectacle qu’il préfère à tous les autres, l’apparence de l’unité. Le jour où il a dominé dans l’église, il en a changé le caractère et les destinées. L’influence des Juifs et des Grecs, si elle avait été la plus forte, en aurait fait une communauté et quelquefois une anarchie d’âmes en quête de la vérité, discutant avec passion pour la découvrir. Grâce à l’esprit romain, qui s’est emparé d’elle, elle est surtout devenue un gouvernement.

Les monumens des catacombes ont ce grand avantage de nous faire bien connaître les vicissitudes que la société chrétienne a traversées dans les premiers siècles. Elle n’a jamais été plus agitée que de Marc-Aurèle à Constantin, c’est-à-dire pendant l’époque où l’on a construit les divers étages du cimetière de Calliste. Les traces de toutes ces crises y sont encore visibles aujourd’hui, et l’on peut s’en donner le spectacle en le parcourant. Les vastes proportions des premiers travaux, le peu de soin qu’on semblait prendre de les dérober à l’autorité, montrent bien que la persécution n’avait pas encore atteint les morts, et qu’on espérait que les tombes seraient toujours respectées; mais cette confiance ne fut pas longue. Dès la fin du règne de Septime Sévère, on commence à prendre des pré-