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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/614

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ce qui fera pour les deux départemens six ou sept évêchés. Le pape n’a rien à voir aux limites temporelles de mes états. Tout pays qui se trouverait réuni à la France sera soumis au décret ; l’Illyrie et Corfou sont compris dans ces principes. Si mes états acquéraient un accroissement du côté de l’Espagne ou d’un autre côté, ces pays s’y trouveraient compris de fait[1]. »

Pendant les conférences qu’ils eurent avec le ministre des cultes, les évêques soulevèrent à peine quelques timides objections contre les étranges instructions de l’empereur. Ils firent seulement, avec d’infinies précautions de langage, remarquer à M. Bigot qu’on les placerait dans la plus fausse situation vis-à-vis de tous les fidèles de leur église, si dans les instructions qui allaient leur être remises on disait en termes exprès que le décret du concile devrait comprendre l’évêché même de Rome. Cela était, aux yeux de la foi, une déclaration véritablement monstrueuse et tout à fait impossible à signifier à un pape. Sur ce point unique, dont M. Bigot de Préameneu fut obligé de tomber d’accord avec eux, Napoléon consentit à rabattre un peu de ses premières exigences. Sur tout le reste, il demeura inflexible. «… L’approbation du pape doit être pure et simple, lisons-nous en effet dans les instructions impériales définitivement remises aux évêques ; le décret s’étend sur tous les évêchés de notre royaume d’Italie, dont Ancône, Urbino et Fermo font partie… Vous vous refuserez de recevoir l’approbation du pape, si le pape veut la donner avec des réserves, hormis celles qui regarderaient l’évêché de Rome, qui n’est point compris dans le décret. Nous n’admettrons non plus aucune constitution ni bulle desquelles il résulterait que le pape rejetterait en son nom ce qu’a fait le concile… Nous approuverons le décret du concile à condition qu’il n’aura éprouvé ni modification, ni restriction, ni réserve quelconque, et qu’il sera purement et simplement accepté par sa sainteté, à défaut de quoi vous déclarerez que nous sommes rentrés dans l’ordre commun de l’église, et que l’institution canonique est dévolue au métropolitain sans l’intervention du pape, comme il était d’usage avant le concordat de François Ier et de Léon X… Nous comptons sur votre zèle pour la religion, pour notre service et pour le bien de votre pays. Ne montrez aucune faiblesse ; n’acceptez rien que nous n’accepterions pas et qui serait contraire à la teneur des présentes, ce qui embarrasserait les affaires au lieu de les arranger et de les simplifier[2]. »

  1. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, Saint-Cloud, 16 août 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 408.
  2. Instructions pour MM. les évêques députés près du pape à Savone, Saint-Cloud, 17 août 1811. — Correspondance de Napoléon Ier t. XXII, p. 418, d’après la minute. — Archives de l’empire.