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vous aviez reçu des bulles du pape. Je vous recommande encore de ne rien dire et de faire partir tout le monde (j’en excepte cependant les évêques de la commission), de ne donner aucune bulle, et de garder le plus profond secret sur toutes les affaires ecclésiastiques[1]. » Le même jour, l’empereur adresse une dernière lettre, celle-là bien plus explicite, et qui dévoile sans réticence tout l’ensemble de son plan de conduite à l’égard du saint-père. Malgré cela, cette lettre ne se trouve point dans la correspondance officiellement imprimée. La voici tout entière :


« Je reçois votre lettre du 21 octobre avec le projet de décret qui y est joint. Je pense que ce décret ne serait pas propre à rétablir la paix, qu’il serait plus convenable de publier les deux décrets du concile comme lois de l’état, et de rejeter la publication du bref pour que les passages improuvés en soient retranchés. Il faut par un décret partir de l’approbation des décrets du concile, et les proclamer comme lois de l’état, et en même temps émettre un avis du conseil d’état portant que le bref du pape ne peut être publié comme contenant des articles contraires à nos libertés, et que ce bref ne sera publié qu’autant qu’on en supprimera les mots ***. Le bref sera ensuite renvoyé au pape avec une lettre de vous à l’un des cardinaux ou même à Bertalozzi, et il faudra bien que le pape en passe par là. Le bref revenant pur et simple, on le publiera alors purement et simplement. Cela donnera la sanction à tout, et lèvera toutes les difficultés ; mais il serait maladroit de publier un bref avec des réserves. Ce serait perpétuer les divisions. La vérité est que l’église est dans une crise. Que l’on attende six mois ou même un an, il faut qu’elle en sorte. Il faut traiter la matière dans cet esprit. Avant que le pape soit instruit des difficultés et des empêchemens que le conseil d’état mettra à la publication du bref, on aura soin qu’il institue tous les évêchés vacans. — Dès ce moment, les décrets du concile seront publiés comme loi de l’état, et les évêques seront institués. Le pape ne pourra obtenir l’arrangement de ses affaires, passer outre, ni exercer aucune juridiction spirituelle, qu’il n’ait approuvé les décrets du concile, et sa position sera empirée d’autant plus qu’il aura institué tous les évêques, qu’il verra les décrets publiés et faisant loi, et que cela éloigne nécessairement ses affaires de bien des années. Vous voyez que dans ces affaires il faut marcher avec circonspection. Je vous recommande le plus grand secret. Il ne faut rien dire au cardinal Fesch, aux évêques de la députation ni à qui que ce soit. Il sera même bon que le dénoûment vienne du conseil d’état, et soit unanime. Il sera aussi utile qu’il y ait un mémoire

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, Rotterdam, 26 octobre 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 330