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découvertes. D’après lui, il est infiniment probable qu’occupé à négocier le concordat avec Napoléon dans les circonstances que chacun sait, Consalvi, le prudent Consalvi n’a jamais hésité à tout dire à sa cour par la poste, à lui mander ingénument, sans réticences, par les courriers du premier consul, tout ce qui se passait à Paris, à lui faire part, avec une ouverture pleine de candeur, de ses plus intimes impressions sur les affaires qu’il traitait et sur les personnes avec lesquelles il les traitait. Ce que plus tard il a mis dans ses mémoires, c’était au contraire des sentimens de convention, un langage d’apprêt, propos sans valeur d’un cardinal malheureux d’être dépouillé de sa pourpre, irrité outre mesure d’avoir été mis sous la surveillance de la haute police, ainsi que son souverain temporel, le chef de sa foi. Des gens avisés comme le père Theiner se méfient de pareils témoignages. Les belles dépêches officielles dûment enregistrées, parlez-lui de cela : voilà où gît la vérité. Si elles sont confidentielles, il commence à s’en défier. Si par hasard elles sont produites par d’autres que ceux qui devraient naturellement les produire, et qui peut-être auraient intérêt à ce qu’elles ne fussent pas du tout produites, alors le révérend père Theiner n’en tient nul compte, n’en parle même pas ; c’est comme si elles n’existaient point.

Telle n’est pas notre méthode. C’est pourquoi nous prendrons la liberté de faire observer au père Theiner que nous n’avons pas, quoi qu’il en dise, écrit uniquement d’après les mémoires du cardinal Consalvi, il s’en faut de beaucoup ; nous avons aussi écrit d’après les œuvres complètes d’un autre prince de l’église, le cardinal Pacca, qui a été lui-même secrétaire d’état de sa sainteté. Plus que Consalvi, le cardinal Pacca s’est, il est vrai, montré « moralement irrité » de sa détention à Fénestrelle, et surtout de celle du pape à Savone. Faut-il à cause de cela le récuser ? Tous les ecclésiastiques qui ont jadis été moralement irrités contre l’empereur à cause de la captivité de Pie VII sont-ils aussi récusables ? Aujourd’hui même ne serait-on admis à parler pertinemment des anciennes querelles de l’église romaine et du premier empire qu’à la condition de ne se sentir aucune irritation morale à l’égard du terrible soldat qui a déployé tant de violence et de ruses contre le malheureux prisonnier ? En Prusse, cela est peut-être possible ; mais que le révérend père Theiner veuille bien nous croire, en France, ce ne sont pas seulement les catholiques, ce sont les honnêtes gens de toutes les croyances et de toutes les opinions qui auraient grand’peine à se maintenir dans cette magnifique impartialité entre l’oppresseur et l’opprimé. Je n’aperçois que dom Guéranger, souvent cité par le père Theiner, qui puisse s’élever avec lui à ces impassibles hauteurs. Pour tout dire, je doute même qu’il leur fût donné à tous deux de s’y maintenir longtemps, s’ils pouvaient se décider à prendre connaissance de la véritable correspondance de Napoléon Ier, c’est-à-dire non pas seulement des lettres publiées