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normalement pendant ces dernières années, venait de s’ouvrir une voie nouvelle. L’exportation des œufs de vers à soie, mesure d’un intérêt majeur pour l’industrie séricicole du midi de l’Europe, avait été demandée au gouvernement de Yeddo et obtenue au lendemain de l’expédition de Simonoseki. Les relations avec les fonctionnaires du taïcoun étaient empreintes de plus de confiance que par le passé. Le gouvernement de Yeddo était arrivé à reprendre un certain ascendant, à faire accepter, par exemple, la présence des étrangers, que personne ne remettait plus en question. La bonne entente des représentans européens à cette époque avait contribué à ce résultat. Une étroite communauté d’action avait été pour eux la suite naturelle des dangers qu’on venait de traverser.

Nos diplomates avaient pu constater néanmoins au milieu de ces conflits que les susceptibilités des daïmios, la constitution et l’esprit même de la nation japonaise assignaient des bornes à la toute-puissance taïcounale. Ils durent songer à mettre la légalité des traités hors de toute contestation en réclamant la ratification du mikado. En novembre 1865, les ministres étrangers se rendirent à Osaka sur des navires de guerre, et demandèrent à la cour de Kioto d’une part la sanction, de l’autre la complète exécution des traités de 1858. Le premier point fut obtenu, et l’on eut entre les mains des lettres patentes revêtues du cachet impérial. Quant au second, l’on dut renoncer à voir les ports d’Osaka, Hiogo et Neegata ouverts avant le 1er janvier 1868, date à laquelle avaient consenti, lors de l’ambassade japonaise de 1862, les gouvernemens européens. Les conférences avaient eu lieu à Hiogo avec des ministres du taïcoun. C’est à Osaka que devaient se traiter désormais les affaires : le taïcoun lui-même s’y trouvait. Quelque temps auparavant, il était parti de Yeddo, à la tête de sa garde, par la route du Tokaïdo. Les résidens de Yokohama, admis à voir passer le cortège à Kanakawa, à une demi-lieue de la ville, avaient vu défiler quelques milliers d’hommes en costumes de guerre, et au milieu d’eux on leur avait montré un jeune cavalier vêtu de blanc, à la figure pâle et à l’air débile. C’était ce souverain mystérieux que, disait-on, aucun étranger, y compris les ministres, n’avait été admis à voir jusqu’alors. Il allait prendre le commandement de l’armée qui opérait sans succès depuis plusieurs mois contre le prince rebelle de Nagato.

On sait que la puissance militaire des taïcouns, organisée par Iye-yas, reposait principalement sur le service personnel des hattamottos et sur les contingens que les daïmios gonfoudaïs devaient en tout temps mettre à sa disposition pour la défense du pays. Ces derniers, plus ou moins disposés à donner un appui actif au pouvoir auquel ils étaient liés par leur origine, n’avaient guère, dans