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étrangers. Quelques personnes bien informées de Yeddo avaient entendu parler dès le mois précédent de l’abdication de Stotsbachi en faveur du prince d’Owari, Par quelles circonstances un prince si vivement animé naguère du désir de relever son pays était-il arrivé à désespérer ainsi du succès de son œuvre ?

Aussitôt après la signature de la convention de mai 1867, les daïmios de Satzouma et de Nagato, que l’on vit dès ce moment se ranger, avec quelques princes leurs voisins, sous le drapeau de l’opposition, avaient déclaré que l’ouverture des nouveaux ports devait être différée. Stotsbachi les écouta, plaida sa cause devant la cour de Kioto, et obtint l’approbation de ce qu’il avait fait ; le kwambakou[1] lui était dévoué. Il résolut ensuite de remettre en vigueur les règlemens de Gonguensama pour tenir éloignés de la cour les daïmios et leurs agens, dont les menées compromettaient la paix publique ; mais il était trop tard. Satzouma et Nagato, voyant que le moment d’agir était venu, arrivèrent subitement autour de Kioto à la tête de forces nombreuses. Ils répandirent des proclamations attaquant les actes de Stotsbachi, le déclarant rebelle aux lois de l’empire et réclamant qu’il remît l’autorité aux mains du mikado, seul souverain légitime du Japon. Stotsbachi avait-il été informé dès son avènement des dispositions réelles et des préparatifs des princes du sud ? On sait combien les daïmios sont puissans et maîtres absolus dans leurs territoires. Le taïcoun ne pouvait surveiller leurs démarches qu’au moyen d’ometskés ou espions, officiers dévoués, chargés de ce rôle délicat et périlleux ; l’un des ometskés de Stotsbachi avait été assassiné à Kioto dans le milieu de 1867. En tout cas, une fois éclairé sur leurs desseins et menacé par leurs forces liguées contre lui, qu’avait-il à opposer comme puissance matérielle et morale à une rébellion préparée depuis longtemps et conduite avec un certain ensemble ?

Des personnes appelées à voir de près les hommes qui dirigeaient les affaires ont pu nous éclairer sur le désordre et la faiblesse du gouvernement. Les daïmios faisant partie du gorodjo et des autres conseils, les hauts fonctionnaires étaient pour la plupart divisés, à l’exemple des grandes familles de l’empire, par des haines et des rivalités personnelles. Aucun des membres du gorodjo n’était un homme de valeur. Quelques vice-ministres seuls, amis du taïcoun[2], cherchaient vainement à faire exécuter les ordres qu’il envoyait de Kioto. Quant à de l’argent, ce nerf indispensable de tout

  1. Premier dignitaire de la cour du mikado.
  2. Nous citerons, parmi ces serviteurs consciencieux et capables, Hassano-mima-aka-no-kami et Kawakatzou-bingo-no-kami, actuellement, ainsi que tous leurs collègues, éloignés des affaires.