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seraient les haches de jade du temps de la pierre. Vous interdisez la publication d’une bulle ; mais défendrez-vous aux journaux de l’insérer ? Ne parviendra-t-elle pas ainsi à la connaissance de tous les fidèles, et ceux-ci, s’ils sont vraiment les enfans de l’église, ne conformeront-ils pas leur conduite aux décisions du chef infaillible de leur religion ? Et si tous les évêques, bravant la défense du gouvernement, publiaient de commun accord une bulle défendue, que ferait-on ? Les suspendre, les mettre en prison ? mais ce serait augmenter leur pouvoir en leur donnant le prestige du martyre. D’ailleurs, ou le peuple est ardemment attaché à son culte, et dans ce cas le gouvernement est exposé à tomber en persécutant le clergé, ou bien l’indifférence est plus répandue que la foi, et alors les bulles papales ne sont pas très à craindre. Je crois donc que le concordat autrichien a eu raison de supprimer le placet. Il n’abolit qu’une formalité vaine, une précaution inutile, et, coupant un des liens qui attachent l’église à l’état, il en prépare indirectement la complète séparation.

Par les articles 5, 6, 7 et 8, l’enseignement est placé sous la haute direction de l’épiscopat. L’église a toujours bien compris que celui qui a l’instruction tient les âmes, et elle en a réclamé le monopole, parce qu’elle est seule l’organe de la vérité, et que seule elle a reçu de Jésus-Christ la mission de la communiquer au monde. Dans tous les concordats avec les états fidèles, elle a pris soin de faire reconnaître ses droits. Le concordat autrichien dit : « L’instruction de toute la jeunesse catholique, dans toutes les écoles publiques que privées, sera conforme à la doctrine de la restant catholique. Les évêques, en raison de leurs fonctions pastorales, dirigeront l’éducation religieuse de la jeunesse dans tous les établissemens d’instruction publics ou privés, et ils veilleront avec le plus grand soin à ce que rien, dans aucun enseignement, ne soit contraire à la religion catholique ou à la pureté des mœurs. » L’enseignement primaire est placé sous la surveillance du clergé. La foi des instituteurs doit être à l’abri de tout soupçon. Quiconque s’écarte du droit chemin sera aussitôt renvoyé. Le parti qui défend en France les intérêts religieux réclame très bruyamment la liberté de l’enseignement, de l’enseignement supérieur surtout, et j’estime, qu’en le faisant il soutient une bonne cause ; mais ses adversaires soutiennent qu’il ne réclame la liberté que pour les opinions orthodoxes, et que, si le clergé était le maître, il interdirait impitoyablement la manifestation de toutes les doctrines contraires aux siennes. Or, en présence des articles du concordat autrichien et des autres concordats plus récens, il est impossible de nier que telle serait la loi, s’il était permis à l’église de la dicter. Seulement on