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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/875

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ne s’engage à permettre que tous les enfans soient catholiques. Or, d’après le concordat, l’intervention du curé était indispensable du moment que l’un des deux conjoints était catholique. Il s’ensuivait que les protestans étaient obligés, dans tout mariage mixte, de subir les exigences de l’église catholique. C’était une atteinte grave à la liberté de conscience, et cette disposition devenait fréquemment la cause des plus pénibles déchiremens au sein des familles.

La question des mariages mixtes a souvent été en Allemagne l’occasion des luttes les plus violentes entre l’état, qui défend les droits des dissidens, et l’église, qui prétend imposer l’intolérante rigueur de son dogme. Celle-ci comprend bien tout le parti qu’elle peut tirer de ses sévérités. Elle y trouve un moyen de propagande lent, mais infaillible. Si les enfans issus d’un mariage mixte sont tous catholiques, l’hérésie perd sans cesse du terrain, et à la longue elle s’éteint faute de représentans. Le pasteur protestant accorde en tout cas sa bénédiction ; le curé catholique au contraire la refuse, si on ne souscrit pas à ses conditions. Ce dernier l’emporte d’ordinaire, parce que, en consentant à ce qu’il veut, les deux parties obtiennent la bénédiction religieuse, tandis qu’en lui résistant le conjoint catholique doit s’en passer. Dans des conflits avec l’autorité ecclésiastique, si l’on veut absolument arriver à un accord, c’est toujours l’église qui l’emporte. Le plus intolérant finit par triompher de celui qui l’est moins, parce que le premier invoque ses dogmes inflexibles, tandis que le second ne parle que de justice et de convenance.


IV

L’une des questions les plus graves et les plus difficiles que présentent les rapports de l’église et de l’état est celle de la propriété ecclésiastique. Peut-on, doit-on reconnaître à l’église ou aux églises le droit de posséder ? Sur ce point, la doctrine catholique est formelle. L’église a reçu de Dieu même le droit de posséder. C’est un droit divin que nul ne peut méconnaître. Quiconque l’attaque ou le nie tombe sous l’anathème prononcé par les conciles, et récemment encore parle vingt-sixième article du Syllabus. L’état, en mettant une limite aux acquisitions de l’église, excède sa compétence, et cette défense est nulle comme attentatoire aux volontés de Dieu. La propriété ecclésiastique est la plus légitime de toutes, car c’est la seule qui trouve sa sanction dans l’Écriture sainte et dans la volonté de Dieu même. Faut-il faire remarquer que la doctrine orthodoxe est en opposition absolue avec les principes juridiques aujourd’hui généralement admis ? D’après ces principes, le droit naturel de posséder ne revient qu’à l’individu. Une