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trouvent associées sur beaucoup de points ; à plus forte raison, la science n’avait-elle pas montré le parti que l’on peut tirer du pétrole liquide, dont on connaissait pourtant un grand nombre de sources naturelles. C’est aux Américains que revient le mérite d’avoir donné à ce dernier droit de cité dans l’industrie. L’aptitude native qui les porte à chercher dans chaque chose le côté utile, surtout l’activité fiévreuse, mais patiente, qui seconde si bien chez eux cette heureuse tournure d’esprit, les ont en cette occasion merveilleusement servis. Le chimiste français Selligues, dont les premiers essais dans le bassin d’Autun remontent à l’année 1832, avait réussi à distiller industriellement les schistes ingrats que l’on rencontre dans cette partie de la France. M. James Young, de Glasgow, perfectionna ces procédés, et établit en 1847 dans le Derbyshire une vaste usine pour traiter des minerais anglais incomparablement plus riches que ceux de la France, et connus sous les noms de bog-head et cannel-coal. En peu d’années, cet établissement prit un développement extraordinaire : il rapportait au fondateur plusieurs centaines de mille francs de revenu. La perspective de tels profits si promptement réalisés mit cette fabrication en honneur. Elle pénétra vers 1854 aux États-Unis, où l’on se mit à distiller le bog-head d’Ecosse et plusieurs variétés de schistes indigènes. En 1860, on comptait déjà dans l’Amérique du Nord soixante-quatre fabriques d’huile de schiste. La découverte d’abondans réservoirs de pétrole devait arrêter court cette prospérité naissante, ruiner un grand nombre d’usines et contraindre les autres à se transformer pour raffiner ce liquide, bien autrement riche en matière éclairante que le bog-head et le cannel-coal.


I

Le pétrole, tel qu’on le trouve dans la terre, est un liquide généralement noir, qui présente souvent un reflet verdâtre. C’est par la distillation que l’on en sépare l’huile incolore employée dans les lampes. En Italie, au Caucase et dans l’Ohio, on rencontre un pétrole couleur d’ambre, quelquefois même à peu près incolore ; mais le plus abondant et le seul qui serve à la fabrication est le pétrole noir. Les Américains l’ont appelé de plusieurs noms, rock oil, huile de roche, british oil, huile anglaise à cause de l’analogie qu’il présentait avec l’huile de schiste d’importation britannique, mais plus universellement Senecca oil, du nom d’une puissante tribu indienne répandue autrefois au Canada et dans les états de New-York et de Pensylvanie. Ces Indiens s’en servaient pour divers usages