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Depuis cette époque, de nombreux navigateurs visitèrent les côtes septentrionales du Pacifique et en particulier le littoral de l’Amérique. Le voyage de notre compatriote La Pérouse fut l’un des plus fructueux en découvertes. Quelques-uns, tels que Vancouver, Kotzebue, Beechey, cherchaient le passage du nord-ouest ; ils ne songeaient guère à explorer l’intérieur du continent. D’autres étaient amenés par l’appât du gain. On trouvait dans ces contrées des loutres, des renards bleus, des castors, des veaux marins et quantité d’autres animaux à fourrures précieuses. Dès l’année 1799, une compagnie russe obtint de l’empereur Paul le monopole du commerce des pelleteries. Les spéculations commerciales acquirent alors un certain développement dans ce pays, et la marine russe y montra plus souvent son pavillon. De petits forts furent établis sur la côte pour protéger les comptoirs où l’on avait coutume de rencontrer les indigènes. Sitka fut dès l’origine le plus important de ces établissemens. La ville qui porte ce nom, — on l’appelle aussi quelquefois New-Archangel, — est située vers le 57e parallèle sur l’une des îles que Tschirikof avait découvertes. La compagnie russo-américaine fut dirigée au début par un négociant originaire de la Sibérie, Baranof, homme de talent et d’énergie. Il avait établi en 1800 une petite garnison dans l’île de Sitka ; en son absence, les Indiens du voisinage, qui étaient braves et turbulens, arrivèrent au nombre de cinq ou six cents armés de mousquets ; ils massacrèrent la garnison et détruisirent le fort. Baranof revint bientôt, appuyé par le capitaine Lisiausky, qui croisait dans ces parages avec une flottille de guerre. Les Indiens étaient prêts à soutenir l’assaut. Ils s’étaient fortifiés avec assez d’art, une attaque des troupes de débarquement fut repoussée avec perte ; mais ils manquaient de munitions : aussi furent-ils contraints de capituler après quelques jours de siège. Lisiausky fit construire alors un nouveau fort dans une bonne position, et entoura d’une palissade les habitations des négocians, précaution qui ne fut pas inutile, car les Indiens essayèrent plus d’une fois de prendre leur revanche.

En même temps les Russes s’étendaient, sans que les autres nations européennes y fissent beaucoup attention, sur le littoral de la Sibérie et sur les îles des archipels asiatiques ; de ce côté, ils avaient affaire à des peuplades barbares qui ne leur opposaient guère de résistance. Au contraire, en s’emparant de la pointe du continent américain que l’on appelle l’Amérique russe, ils s’exposaient à rencontrer bientôt les Anglais. Ceux-ci venaient de l’est, tandis que les Russes arrivaient par l’occident. Vers la fin du XVIIe siècle, le roi Charles II d’Angleterre avait concédé à une compagnie que dirigeait le prince Rupert, un des héros du temps, tous les territoires situés