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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/107

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sur un modèle identique et le plus simple qu’on puisse imaginer. Elles ont 2 mètres de largeur, 2 mètres de hauteur et 3 mètres de profondeur environ. Deux portes étroites et basses se correspondent dans les pignons. Ces pauvres demeures sont perchées sur des poteaux qui ménagent aux poules et aux porcs une habitation commode au-dessous de la famille qu’ils doivent nourrir. Ici ce sont les femmes qui se sont enfuies à un signal de leurs maris. Nous ne trouvons plus que les aïeules. Au village des chercheurs d’or, nous les avions vues mélancoliquement assises sur le seuil de leur porte ; leur âge les fait considérer comme n’appartenant plus à aucun sexe. Les hommes sont en général grands et bien faits ; leur front proéminent est encadré de cheveux longs qu’ils laissent retomber en désordre ou tordent derrière la tête. La pointe du nez descend très bas, et les ailes sont fortement relevées. Les Laotiens au contraire ont le nez court et coupé en biseau. En somme, le type de ces derniers serait moins agréable que celui de leurs tributaires, si ceux-ci n’avaient pas la véritable expression sauvage empreinte surtout dans leurs yeux timides, hagards, rendus stupides par l’étonnement. Ces sauvages ont des habitudes d’élégance qui sont peut-être d’anciens souvenirs. Ils portent des bracelets de fil de laiton, des colliers de verroterie, et se font aux oreilles une ouverture assez large pour pouvoir y passer de gros cylindres de bois. Ce dernier usage n’existe chez les Laotiens qu’à un moindre degré. Jadis le plus puissant roi du Laos, le seul qui semble avoir vraiment mérité ce titre, faisait consister sa gloire dans le diamètre extraordinaire de ces vides obtenus peu à peu dans le lobe inférieur de ses oreilles. On se servait pour la première fois d’un petit poinçon d’or qui restait un mois dans la chair. On en introduisait successivement d’autres, ayant soin d’en augmenter la grosseur jusqu’à ce que l’extrémité des oreilles tombât enfin sur les épaules. Les sauvages ne craignent pas aujourd’hui de se donner un luxe jadis exclusivement réservé au roi.

Quelle est l’origine de ces tribus que nous avons trouvées partout juxtaposées aux Laotiens le long du Mékong ? Dans un voyage aussi rapide que le nôtre, il était impossible de se livrer à un travail ethnographique approfondi. Pour arriver à un résultat scientifique, il aurait fallu séjourner longtemps au milieu des tribus, gagner la confiance de quelques sauvages intelligens et causer avec eux. Les moyens d’ailleurs nous manquaient. Nous ne faisions que passer, et nous n’avions pas d’interprète qui comprît les différens idiomes des peuplades. C’est donc à peine s’il peut nous être permis de hasarder des conjectures. Les Laotiens, n’occupent sur les deux rives du fleuve, et surtout sur la rive gauche, qu’une