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des morts, celui entre Périclès et Mazarin. L’auteur y déploie beaucoup de talent pour faire valoir la politique de son grand-oncle, alors trop dépréciée.

La partie de ses œuvres la plus intéressante, à notre avis, consiste en une série de morceaux de morale mondaine et pratique, dont plusieurs furent composés pour l’instruction d’un jeune homme très distingué qui l’intéressait doublement, et pour lui-même, et à cause du lien qui les unissait. Il avait eu de son mariage avec Mlle de Pontchartrain un fils, qui mourut à l’âge de huit ans, jet deux filles. L’aînée de ses filles fut mariée au fils unique du maréchal de Belle-Isle, au jeune comte de Gisors, qui annonçait les plus rares qualités de cœur et d’esprit lorsqu’il fut, à l’âge de vingt-six ans, blessé mortellement à la bataille de Crefeld, le 23 juin 1758, en chargeant à la tête des carabiniers, dont il était mestre-de-camp. « Ce fut, dit Duclos, une perte nationale. Ce jeune homme, dans un âge où les meilleurs sujets ne donnent que des espérances, était regardé comme un capitaine expérimenté et un homme d’état. » Le comte de Gisors n’avait encore que vingt ans lorsque le duc de Nivernois écrivit pour lui, sous le titre de : Lettre et instruction paternelle sur l’état de courtisan, le plus remarquable des morceaux dont nous venons de parler. Il faut lire cette ingénieuse dissertation, si l’on veut se faire une idée exacte de ce qu’était sous l’ancien régime la vie de cour, considérée sérieusement, c’est-à-dire comme une situation imposée plus ou moins à tout homme de qualité aspirant à servir son pays dans un ordre de choses « où le prince, dit le duc de Nivernois, est tout, peut tout et fait tout. » L’auteur distingue deux classes de courtisans : ceux qui mettent toute leur ambition à vivre continuellement dans la familiarité du maître pour obtenir le crédit que cette familiarité peut donner ; ceux-là, l’auteur les déclare « plus malheureux que leurs laquais. » Les autres, qu’il appelle les courtisans sages et vertueux, ne recherchent l’indispensable faveur du prince que pour être employés utilement soit à la guerre, soit dans les affaires. Ceux-ci vont à la cour, mais sans s’y fixer et au contraire pour en sortir le