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Égyptiens sur une frêle barque pour n’être pas jeté dans le Bosphore. Toutefois, si le patriarche, malgré toute son envie de mal faire, ne se réunissait pas de corps aux ennemis de l’archevêque, il leur envoyait du moins son esprit. Il annonçait en effet qu’il possédait un moyen infaillible d’obtenir l’expulsion immédiate de Jean, que ce moyen était contenu dans des documens qu’il confierait à des évêques égyptiens de ses amis en leur indiquant la manière de s’en servir, que ses envoyés s’entendraient avec les évêques de la cour, mais que l’affaire exigeait à l’égard des autres un profond secret pour qu’elle produisît le résultat désirable. Les Égyptiens porteurs des documens confidentiels et des instructions verbales du patriarche étaient au nombre de trois, tous bien dignes de la confiance de leur patron par leur talent d’intrigues déjà éprouvé, quoique l’un d’eux fût très jeune encore et tout récemment ordonné : c’étaient là, ajoute le même historien, de bien misérables évêques ! À leur arrivée dans Constantinople, ils furent reçus à bras ouverts par Sévérien et ses complices de la cour.

Tout en jetant ainsi ses filets autour du futur concile, Théophile ne négligea rien pour qu’il fût composé et préparé à l’avance suivant le désir de l’empereur et le sien. Il écrivit des lettres pressantes à tous les évêques des provinces voisines de l’Égypte qui pouvaient espérer ou craindre quelque chose de lui (car son influence était grande en Palestine et en Syrie), les endoctrinant et leur dictant en quelque sorte leur vote. Sévérien, Antiochus et Acacius firent la même chose dans les églises voisines de leurs siéges de Gabales, Ptolémaïs et Bérée, promettant ou intimidant, recrutant enfin, au nom de l’empereur, des juges pour opprimer son ennemi. Ces menées ne furent pas sans effet. Une agitation extrême se propagea dans tous les diocèses, depuis l’Égypte jusqu’au Pont, et depuis Constantinople jusqu’aux confins de la Thrace. La convocation d’un nouveau synode pour la révision des actes de celui du Chêne, demandée par Chrysostome comme un moyen de se justifier, fut présentée par ses adversaires comme un moyen d’aggraver la première sentence, conformément au vœu de l’empereur et aux justes ressentimens d’Augusta.

Le rôle de plus en plus apparent que prenait Arcadius dans ce second procès était fait pour imposer à beaucoup d’évêques impartiaux ou amis de Jean, tandis que l’action ardente de la cour excitait au contraire la passion de ses ennemis. Si l’on vit dans cette confusion des sentimens et des consciences éclater plus d’un acte de justice et de courage, on y vit aussi bien des lâchetés. Il y eut des évêques qui, n’osant pas venir voter en personne, par crainte peut-être des mouvemens du peuple, que l’on supposait devoir soutenir Chrysostome, envoyèrent leur adhésion écrite à tout ce qui