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tait, comme on voit, le même but avec des intentions exactement contraires. Toutefois, si divergens que fussent les motifs, et quelque dût être le résultat, favorable ou défavorable à l’archevêque, la révision du procès ne pouvait être faite qu’en recommençant le procès lui-même avec contrôle de tous les instrumens de procédure, libelles d’accusation, interrogatoires, audition des dénonciateurs et des témoins, en un mot tout ce qui avait constitué l’instruction de l’affaire en première instance. Or, depuis six mois et plus que la sentence était prononcée, l’état de l’église de Constantinople avait subi de grands changemens, en partie par les épurations que l’archevêque avait opérées dans son clergé, en partie par d’autres circonstances. Certains des accusateurs avaient disparu ou s’abstenaient par crainte du peuple, se souvenant des menaces dirigées contre Théophile. Il en était de même pour les témoins, surtout pour les témoins ecclésiastiques. On se trouva donc de prime abord en face d’une grande difficulté, celle de recommencer le procès avec ses élémens primitifs : en entreprendre un nouveau avec des hommes et des griefs nouveaux, c’était s’écarter de l’objet de la convocation et se jeter dans des hasards périlleux. Puis venait la question des débats contradictoires. Chrysostome, qui n’avait point été entendu au concile du Chêne, prétendait bien l’être ici ; or dénonciateurs et témoins n’osaient aborder sans trembler ses éloquentes colères, qui pouvaient les couvrir de confusion et d’opprobre. Les évêques de la cour durent s’inquiéter aussi, quoique un peu tard, des effets que produirait sa parole ardente sur un peuple qui l’idolâtrait. Toutes ces raisons firent que le concile traînait sans prendre un parti décisif, et perdait son temps dans des opérations préliminaires.

Les Égyptiens émissaires de Théophile, voyant la lassitude qui gagnait le synode, crurent le moment venu de démasquer leur front d’attaque. Ils s’étaient grossis sous main d’auxiliaires dont ils avaient su scruter la conscience et l’habileté : en première ligne étaient Léontius, métropolitain d’Ancyre, dans la petite Galatie, et Ammonius, évêque de Laodicée-la-Brûlée, dans la province de Pisidie. Tous deux passaient pour théologiens distingués, et Léontius avait même beaucoup de réputation dans son pays ; mais ses qualités réelles étaient défigurées par une âme envieuse et une ambition impatiente. Il lui tardait de se montrer sur un autre théâtre que celui d’une obscure cité de Galatie, et il croyait avoir trouvé ce théâtre dans la lutte qui s’ouvrait alors à Constantinople contre le premier orateur de la chrétienté. Pour Ammonius, c’était au fond un homme partial et brouillon, et on disait de lui que l’évêque de Laodicée-la-Brûlée n’était venu que pour mettre le feu à l’église. Autour d’eux se groupaient des personnages secondaires et les