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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/287

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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


armée comme sur une troupe ennemie : hommes, femmes, enfans, prêtres, laïques, tout fut bousculé, foulé aux pieds des chevaux, frappé à coups de lance ou d’épée ; on s’empara des prêtres et des néophytes ; les soldats, descendus de cheval, se mirent à piller, car il y avait là des gens riches et vêtus de leurs habits de fête. Ils enlevaient aux femmes leurs colliers et leurs pendans d’oreille « avec le bout de l’oreille pour aller plus vite, » nous dit le narrateur contemporain de ces scènes. On leur arrachait aussi leurs tuniques et leurs manteaux quand ils étaient d’étoffe précieuse. Une d’entre elles, belle et riche et femme d’un certain Éleuthère, citoyen opulent de Constantinople, se dépouilla elle-même de son vêtement pour prendre celui de sa servante, et s’enfuit à travers les champs, échappant par ce déguisement aux outrages des ravisseurs. Le pillage fini, l’escorte rentra dans la ville comme en triomphe, chargée de dépouilles opimes enlevées à des femmes, et traînant à sa suite des bandes de prêtres et de catéchumènes garrottés qui allèrent encombrer les prisons. Ce qui s’était passé à la cinquième borne arriva dans plusieurs autres lieux de la campagne, où les fidèles, toujours pourchassés, s’opiniâtraient à se réunir. Ils avaient imaginé de former leurs assemblées dans un grand cirque de planches construit hors des murs par Constantin, et qu’on appelait en grec Xylokerke, le cirque de bois. On les y assiégea comme dans un fort.

C’était la guerre civile qui éclatait, la guerre contre des gens qui ne se battaient pas. Aux expéditions militaires succédèrent les recherches et les tracasseries de police : on fouilla les maisons pour surprendre des assemblées clandestines ; on incarcéra sur le moindre soupçon les partisans déclarés de l’archevêque, qui commencèrent à porter dans les lois la dénomination de joannites, comme s’ils eussent formé une secte en dehors de l’église, et les prisons se peuplèrent d’une multitude de laïques et de clercs accusés de ce crime. Ils acceptaient avec courage la persécution pour le pasteur en qui se personnifiaient à leurs yeux la légitimité hiérarchique et la foi. À peine ces singuliers criminels se trouvaient-ils réunis dans les geôles, que le chant des psaumes commençait, et si un prêtre était présent, on procédait à la célébration des saints mystères. « Les prisons étaient alors, nous dit un contemporain, les vraies églises de Dieu, et les basiliques un lieu d’iniquité et de blasphèmes ; » — les fidèles les fuyaient comme pestiférées, à moins qu’ils n’espérassent y rencontrer un clergé ami de Chrysostome.

IV.

Pendant que ces événemens préoccupaient tous les esprits dans Constantinople, le concile terminait sa session obscurément, sans