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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


évêques de son parti eussent quitté Constantinople, parce qu’il désirait qu’ils attestassent, comme témoins, les choses qui s’étaient passées devant eux. Il voulut en outre que deux diacres représentant le clergé de Constantinople allassent confirmer par leurs déclarations la vérité des faits énoncés dans son appel et le témoignage des évêques ses partisans. L’appel fut libellé dans la forme d’une lettre adressée en nom collectif à Innocent, évêque de Rome, à Vénérius, de Milan, et Chromatius, d’Aquilée, Aquilée et Milan étant les deux plus grands siéges de l’Italie après celui de la ville éternelle, le premier de l’Occident comme de tout le monde chrétien. Il ne nous est resté que l’ampliation destinée au pape Innocent ; mais on voit par la teneur même que les deux autres devaient être exactement pareilles. Elle commençait ainsi :

À monseigneur le vénérable et très saint évêque Innocent, Jean, en Jésus-Christ, salut :

« Nous présumons qu’avant l’arrivée de cette lettre le bruit de l’attentat commis ici est parvenu aux oreilles de votre piété. La grandeur du crime est telle en effet qu’il n’est aucun recoin de l’univers qui n’ait été indigné à ce récit. Partout il a excité le deuil et un long gémissement ; mais, attendu que de si odieux forfaits ne demandent pas seulement des regrets et des larmes, qu’ils réclament de prompts remèdes, et qu’il faut prudemment examiner comment peut se calmer cette tempête qui ébranle l’église, j’ai exhorté mes seigneurs les très honorés et très révérends prélats Démétrius, Pansophius, Pappus et Eugène à laisser là le troupeau pour se confier à la mer, et après un long voyage recourir à votre charité, vous exposer les détails des choses, et solliciter de vos méditations un remède efficace à nos douleurs. Nous leur avons donné pour compagnons de ce voyage nos chers et honorés diacres Paulus et Cyriacus, qui, à défaut de lettres, présenteront verbalement à votre charité toutes les informations qu’elle désirera. »

Chrysostome entre ici dans le détail des faits. Il peint sous des couleurs saisissantes l’audace et l’impudence de Théophile d’Alexandrie, qui, mandé à Constantinople par le très pieux empereur pour s’y justifier de sa conduite envers les Longs-Frères[1], arrive avec une troupe d’Égyptiens embrigadés comme pour un combat, refuse de voir l’évêque, de prier, de communiquer avec lui, d’entrer même dans le saint lieu, et, passant outre à la basilique épiscopale, qui se trouve sur.sa route, va s’héberger hors de la ville. Viennent ensuite les intrigues, les manœuvres coupables qui préparent au conciliabule du Chêne : toutes les lois canoniques violées, les clercs de l’évêque corrompus, désertant son église pour se porter ses ac-

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1867.