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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


dirai-je des autres églises, sinon qu’elles sont soumises à la même perturbation, aux mêmes déchiremens ? car le mal ne se borne pas à Constantinople, il envahit l’Orient tout entier. En effet, comme dans le corps humain, lorsque des humeurs corrompues découlent de la tête, les membres sont facilement atteints, de même, lorsque dans cette grande cité le désordre et le crime jaillirent au dehors comme d’un gouffre puissant, ils eurent bientôt envahi les villes inférieures. Partout aujourd’hui l’émotion et les factions dominent ; partout les clercs s’insurgent contre leurs évêques, et les fidèles sont retranchés du corps de l’église ou s’attendent à l’être ; partout enfin cette peste pullule, et bientôt dans le monde entier on ne verra plus que ruines et attentats sacriléges. À la pensée de ces maux, ô mes seigneurs très heureux et très révérés, prenez une résolution énergique, digne de votre zèle, de votre force, de votre constance ; écartez, écartez, nous vous en supplions, ce fléau qui envahit les églises, car si ce procédé passe en coutume de venir des régions les plus éloignées en la province d’autrui s’ingérer dans ses affaires, le chasser, le remplacer suivant son caprice, qu’en adviendra-t-il, sinon la guerre générale et un désastre universel ?

De peur donc que cette effrayante confusion ne s’étende partout, écrivez, je vous en supplie, déclarez par votre autorité que les injustices dont j’ai été l’objet en mon absence, et quand je ne déclinais pas un jugement véritable, sont nulles, sans force, sans valeur, et tombent d’elles-mêmes. Soumettez à la censure ecclésiastique ceux qui ont commis de telles iniquités, et moi qui suis innocent, qui n’ai été convaincu de rien, contre qui on n’a pu prouver aucune incrimination, ordonnez que je sois rendu à mon église, afin d’y jouir encore de la charité et de la paix qui m’unissaient à mes frères. Que si les auteurs de tant de maux veulent soutenir mes prétendus crimes, qu’on me communique les actes, que les libelles d’accusation soient mis sous mes yeux et sous les yeux de tous, que mes accusateurs se présentent et qu’un tribunal impartial et juste siége pour prononcer ; je ne le récuserai pas, je ne le refuserai pas, je l’ai demandé, je le demande. Oui, qu’on me juge ! Cela sera mon absolution, car tout ce qui a été fait contre moi l’a été contre toute raison, tout droit, toute règle, toute loi ecclésiastique. Une telle façon de juger est inconnue chez les barbares mêmes. Il n’y a pas de Scythes, il n’y a pas de Sarmates qui jugent un homme sans l’entendre, et dans l’absence d’un accusé qui demande des juges et mille s’il le faut, et non des ennemis, et affirme son innocence, et se dit prêt, en face de l’univers, à repousser toutes les imputations faites contre lui, nul homme au monde n’oserait le déclarer coupable.

Daignez réfléchir à tout ceci que vous expliqueront plus longuement et plus clairement mes seigneurs les très révérends évêques, et faire ce qui appartient à votre zèle et à votre amour actif du bien. Par là, vous n’assisterez pas seulement moi qui vous écris, vous assisterez toutes