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métaphysique est-elle restée stationnaire ? Le fait qui soulève ces questions en donne la réponse. « L’homme a reçu, sur l’objet fondamental de la métaphysique des lumières primitives, dot de la nature humaine plutôt que conquête de la science humaine : elle a dans l’homme même son point de départ profond et assuré ; mais son point de mire est en Dieu, c’est-à-dire au-dessus de sa portée. » Telle est la stérilité de la science philosophique en général. On la prouvera mieux encore en examinant chacun des grands systèmes philosophiques de notre temps en particulier. Ces systèmes sont : le spiritualisme, le rationalisme, le positivisme, le panthéisme, le matérialisme, le scepticisme.

Le spiritualisme du XIXe siècle a naturellement dans M. Guizot un sympathique admirateur. Comment n’aimerait-il pas une philosophie qui a eu pour maître et fondateur son propre maître, Royer-Collard ? Il reconnaît donc hautement tous les mérites de l’école spiritualiste. Elle a fondé, dit-il, la psychologie scientifique, ce qui est même, selon nous, beaucoup trop dire, car cette sorte de psychologie avait été fondée par Locke et les Écossais ; l’école française y a peu ajouté. Cette école a défendu l’idée du devoir et l’a fortement séparée de l’intérêt personnel. Elle a défendu la liberté humaine au point de vue philosophique, moral et politique. Tels sont les mérites du spiritualisme contemporain ; mais, forte dans la psychologie et dans la morale, cette école a été faible dans la théodicée, dans la métaphysique, dans la philosophie religieuse en général. Elle a été à la fois timide et orgueilleuse, timide en écartant systématiquement tous les problèmes cosmologiques (origine de l’homme, origine des êtres vivans), orgueilleuse en se refusant à l’idée d’une révélation dont elle trouvait cependant la preuve manifeste chez l’homme lui-même, dans ces principes spontanés et universels, appelés principes a priori, qu’elle accepte comme des faits, mais sans en chercher l’origine.

Du spiritualisme, M. Guizot distingue le rationalisme. Le spiritualisme est timide et silencieux à l’égard du surnaturel ; mais il ne le nie pas expressément. Le rationalisme est ouvertement négatif. Ce qui caractérise surtout le rationalisme, selon M. Guizot, c’est de ne voir dans l’esprit humain que la raison, d’exclure le cœur, de mutiler l’homme. Il retranche ainsi de l’homme des faits qui appartiennent à la nature humaine, par exemple le besoin du surnaturel. En outre il aspire à étendre la science au-delà de ses limites légitimes en voulant soumettre à ses prises le monde de l’infini, qui lui échappe nécessairement.

L’une des formes du rationalisme, c’est le positivisme. Pour le positivisme, toute croyance religieuse et toute doctrine spiritualiste sont mises à l’écart comme hypothèses arbitraires et