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La vapeur d’eau qui sort d’une machine après avoir usé sa tension sur l’organisme de cette machine ne possède plus la même quantité de chaleur qu’au moment où elle y est entrée, et ce qu’elle en a perdu est en proportion rigoureuse avec l’effort qui a été obtenu. C’est ce qui fait dire que la chaleur s’est métamorphosée en travail. Réciproquement le travail peut se métamorphoser en chaleur ; cette transformation a lieu, par exemple, quand on frotte deux corps l’un contre l’autre. Ce qui est vrai du calorique l’est aussi de l’électricité, du magnétisme, des affinités chimiques. Tous les phénomènes du monde matériel sont les métamorphoses d’une force, d’une énergie indestructible, qui se manifeste seulement par des modes divers. Cette grande loi est devenue aujourd’hui presque aussi familière aux philosophes qu’aux physiciens ; le principe de la transformation des forces n’est plus d’ailleurs une simple hypothèse, il est fondé sur des expériences précises, directes, parmi lesquelles on doit citer celles que M. Hirn a faites sur la transformation de la chaleur vitale en travail. « Figurons-nous, dit-il, renfermés dans une guérite obscure et hermétique, obligés de respirer et d’exhaler l’air des poumons à travers un tube de caoutchouc, et obligés pendant une heure et demie, sans répit, de monter sur une roue qui tourne et dont les échelons fuient sans cesse sous nos pieds. » Voilà certes une méthode expérimentale peu attrayante ; mais en pareille matière on ne regarde qu’aux résultats, et l’on est assuré aujourd’hui que tout travail mécanique de l’homme correspond à une dépense de chaleur vitale.

Je ne rappelle ces expériences que pour montrer que M. Hirn est un savant dont les titres et l’autorité sont bien reconnus ; il a été toutefois pris d’une ambition plus haute que celle du physicien ordinaire. La thermodynamique l’a mené jusqu’à la métaphysique ; les machines à vapeur, les calorimètres, les grossiers instrumens du travail mécanique, n’ont pas tenu sa pensée prisonnière, et du fond d’une usine alsacienne elle s’est jetée sur les plus hauts problèmes avec une ardeur où l’on sent quelque chose de la passion germanique pour les chimères en même temps qu’une décision toute française.


I

Le spiritualisme psychologique distingue deux élémens dans le monde : la matière et l’esprit, le corps et l’âme. À ce dualisme, M. Hirn substitue une trinité nouvelle ; il distingue l’atome, la force et l’âme. L’être, suivant lui, a trois formes : la forme matérielle et finie, la forme dynamique et la forme spirituelle. Distinguer la matière et la force, c’est assurément une conception philosophique et